Atmosphère – Jenny Offill

Un livre réjouissant à lire, des fragments de la vie de Lizzie, quarante ans, vivant à Brooklyn. Elle vit avec son mari Ben, créateur de jeux vidéo 3D à but éducatif, son fils Eli, huit ans, et son frère Henry qui squatte son canapé.

Le quartier de Brooklyn où ils vivent est appelé « Le petit Bangladesh » ou « le petit Pakistan » par ceux qui n’y vivent pas. Lizzie a mis son fils dans une école publique, après une école maternelle qui peut aiguiller les enfants vers une école primaire privée, les enfants passent des « examens » pour ça. Lizzie ne tient pas à faire d’Eli une sorte d’élite. Elle veut qu’il aille où il se sent bien. Et il se sent bien dans le public. Sa meilleure amie est Amina, du Bengladesh. Il y a dix pour cent de blancs dans cette école, et ces dix pour cent viennent de familles « hippies ».
L’auteure utilise le terme « hippie » pour qualifier toutes les catégories de bobos, d’écolos militants, vegans, survivalistes, membres d' »Extinction Rebellion », extrémistes de tout poil, collapsologues, et tout ce qui peut tourner autour. Et elle travaille dans une bibliothèque fréquentée par des thésards ou des junkies, et tous ces hippies qui cherchent matière à réflexion. Elle a une prof qui lui demande de répondre à son courrier, plein de questions existentielles sur le changement climatique, la survie, la théorie de l’effondrement, les thèories apocalyptiques. Lizzie y répond. Elle a étudié tout ça avec Sylvia, qui lui demande aussi de l’assister pendant ses conférences qu’elle donne dans diverses universités. Et qui fait des podcasts, sur ces sujets-là, qui génèrent des mails à qui Lizzie doit aussi répondre.

Lizzie s’occupe aussi de son frère Henri, toxico parfois repenti, allant aux réunions des Addicts Anonymes, parfois rechutant. Il est aussi dépressif d’une manière chronique. Il ne veut pas voir de psy, il parle à sa soeur, uniquement sa soeur. Qui prend tout ça à bras le corps. Lizzie raconte tout ce qu’elle pense, ce qu’elle voit, sans aucun classement, par petits fragments, sérieux jusqu’à l’humour noir souvent. La vie, la vie des autres, les sans-abris qui veulent aussi raconter leurs soucis, Lizzie se rend compte qu’elle doit écouter et répondre à tout le monde, des gens du quartier jusqu’aux hippies et aux gens de plus en plus concernés par le climat, la fin du monde. Ceux qui pensent qu’ils sont une charge carbone pour la planète. La question qui revient sur le fait de faire des enfants. Sur ce qu’on laissera à nos enfants. Et pendant ce temps-là, son mari et Eli se débrouillent seuls.

Ces petites observations, fragmentées, ces questions et les réponses de Lizzie, les remarques agressives des extrémistes de tout poil, ses fatigues et sa bataille contre la dépression, on rit, on s’étonne, on apprend l’ampleur du phénomène dans les milieux « bobos » et estudiantins américains. C’est l’Atmosphère et l’atmosphère. Et autant la vie prise sur le vif est hilarante, autant les délires extrêmes sur le changement climatique et la probable fin du monde sont angoissants. Pas sur le coup, mais j’ai lu le livre hier, et aujourd’hui j’ai le moral à zéro. Suis-je sensible à ce point, ou est-ce que Jenny Offill a écrit ce livre dans le but de nous faire nous questionner ? À vous de voir. Moi je suis foutue pour la journée, je vous le dis.

Atmosphère – Jenny Offill, ed Darva, septembre 2021, 200 pages, 20,50€. Traduction de Laetitia Devaux

(Les éditions Darva sont nouvelles, et pro-féministes.)

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