
Sous-titre : L’Amérique indienne de 1890 à aujourd’hui.
Ce n’est pas un livre qu’on lit en une nuit ! Ce n’est pas un roman non plus. C’est… une… bible ? C’est une encyclopédie…. C’est un livre inédit pour moi, qui aime depuis longtemps le peuple martyrisé mais toujours vivant des indiens. Des Indiens. On ne sait plus quel est le mot correct… Amérindiens ? Pas pour moi, j’y entends « mer » et du coup je visualise les îles du Pacifique. Ça ne me va pas. « Premières Nations »? C’est ce qu’on entend partout aux USA avec le « politiquement correct ». D’ailleurs c’est l’expression que j’utilise le plus souvent…. mais ça me paraît artificiel. L’auteur propose « autochtones », (et j’ai bien peur que le traducteur ait mis ce mot compliqué à dire en lieu et place d' »indigenous » qui là, traduit par « indigènes » aurait pour le coup un effet tellement connoté).. (notez, je n’en sais rien, pour cette traduction : je suppute.), « indiens » je trouve ça parfait, compréhensible par tous. J’utiliserai dorénavant ce terme.
L’auteur est indien Ojibwé par sa mère, son père, survivant de l’Holocauste s’est installé dans le Minesota, et a tout de suite adopté la communauté de la réserve de Leach Lake, et la cause des Indiens. David Treuer a grandi dans cette réserve, dans la nature, et au bord du ruisseau qui est en fait la source du Mississipi. Il a fait des études poussées et deux doctorats, dont l’un en anthropologie. Il a été très marqué pendant sa vie étudiante par le livre de Dee Brown » Enterre mon coeur à Wounded Knee » un livre qui a eu un énorme impact en particulier sur les jeunes étudiants dès sa sortie : en pleine guerre du Vietnam, pendant la période de prises de conscience, de la lutte pour les droits civiques, ce livre raconte comment l’homme indien a été réduit à néant, avec le massacre de Wounden Knee en 1890 en point d’orgue. Ou comment les américains blancs ont tué les grands chefs, les anciens, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus un seul. » Un bon indien est un indien mort ».

Ici, David Treuer prend le contrepied de ce livre et montre que les indiens sont toujours là, vivants, que leur culture n’est pas morte non plus. On peut même dire ceci au pluriel : leurs cultures ne sont pas mortes : il y a beaucoup de différence entre une tribu et une autre. Oubliez cette image de vieux alcoolos assis au bord de vieux trail parks et presque mis en cage, vous n’y êtes pas. Oubliez les quelques noms de tribus dont vous vous souvenez, les Sioux, les Cheyennes, les Apaches, les Pawnees qui étaient toujours les traitres dans les films… oubliez Pocahontas, aussi.
Avec une immense maîtrise, avec des milliers de sources, d’études, de documents, de reportages, de connaissances en fait, l’auteur nous ramène en arrière sur cette terre indienne: du Mexique au Canada, jusqu’à la préhistoire. Parce qu’il y a des ossements, des grottes, des poteries, des traces des humains remontent 19 000 ans en arrière. Oui, oui, on part de là. Les premières traces des premiers indiens d’Amérique. Leurs artefacts. Et ensuite, pour qu’on comprenne mieux la suite, l’Apocalypse, de 10 000 « avant JC » à 1890, David Treuer reprend l’histoire en partageant l’Amerique du Nord en plusieurs grosses régions, et c’est là un voyage passionnant dans cet immense pays peuplé de tribus avec leur propre langue, leurs dialectes inter tribus, les chiffres donnent le tournis : 300 dialectes, 200 langues différentes, et 500 tribus et ce uniquement sur le territoire qu’on nomme la Californie. Les noms des tribus des années 1500 sont inconnues pour moi, mais très exacts. Il y avait là plus d’indiens que partout ailleurs sur le territoire « Américain ». Les changements climatiques avérés, les tertres et tumulus renfermant des tombes et des objets précieux, des traces de « commerce » et d’échanges, des traces de batailles. Certaines tribus étaient des sédentaires, faisaient de l’agriculture, avaient des vergers. D’autres étaient plutôt des trappeurs. D’autres étaient des chasseurs-cueilleurs. J’ai découvert qu’il y a des milliers d’années il y avait des chameaux ! Et il y avait les batailles, lorsque les uns convoitaient le bien des autres. Beaucoup de tribus furent anéanties, et ce n’est que le début.
C’est vraiment « dépaysant », c’est le grand inconnu qui arrive à nous avec ce livre. Ce pavé. Passionnant.
Mais voici l’époque des Conquistadors. Des Missionnaires. De Christophe Colomb et de ses exactions (qui n’ont eté révélées qu’en 2006 !!) et consors. Cortès et compagnie, qui amenèrent la barbarie à un niveau très élevé, mais battus sur ce plan par les Franciscains. (L’auteur cite toutes ses sources. 50 pages de sources). Et avec la barbarie, les maladies. La grippe, la rougeole et la variole ont fait une hécatombe,et dans des largeurs inimaginables, tuant des centaines de milliers d’indiens. On ajoute là-dessus les autres envahisseurs, puis la Ruée vers l’or, et un gouvernement américain qui, à coups de traités signés avec des Grands Chefs, des traités de traîtrise, en fait, jamais respectés, qui voleront les terres ancestrales pour les allouer à de « Vrais américains » jusqu’aux pires massacres. Jusqu’à celui de Wounded Knee, et il a laissé des traces dans la presse de l’époque, et des photos.

Et après celà, le « Purgatoire ». Le gouvernement américain essaie de trouver un moyen de traiter le problème de l’Indien, puisqu’on ne peut plus les massacrer. C’est l’époque des scandaleux internats obligatoires pour tous les enfants indiens, où l’on tente de les américaniser. Cheveux coupés, vêtements brûlés, objets et possessions aussi, et interdiction de parler leur langue. Mauvais traitement, esclavagisme, déviances sexuelles des « professeurs », maltraitances qui mènent à la mort, et encore aujourd’hui des associations essaient de retrouver les corps des enfants disparus, enterrés sans signalétique, à même des tombes communes. Le dernier internat de ce type a fermé en 1990. Un génocide culturel, très documenté par ailleurs au Canada.

Oups, je m’emporte, moi. Je ne vais pas tout raconter. Mais ce qui suit dans la troisième partie du livre est la résilience, la résurgence de la culture amérindienne, à travers ses traditions, son histoire, orale et écrite, sa spiritualité, ses racines qui s’enfoncent dans cette terre-là depuis la préhistoire. À travers de nombreuses organisations, mouvements comme le Red Power, à l’époque des Black Panthers, en passant par les « bobos » qui décident de vivre comme les indiens de l’époque du Paradis, mais ne sont pas capables de survivre sans une quantité de connaissances et de traditions millénaires. Un livre tourné sur le présent et l’avenir dans cette troisième partie, avec des témoignages, ou plutôt l’histoire de personnages qui ont dans le sang, ou dans les traditions, le sens d’appartenance à cette terre-là.
Un livre passionné, et passionnant, qui vous tient dès le début comme un plongeon dans un monde peu connu, étrange, mais qui nous prend aux tripes.
Tiens, un petit coup de Buffy Sainte-Marie (Tribu des Crii) pour la route…
Un immense merci à Francis Geffard, directeur de la collection Terres d’Amérique chez Albin Michel.
Notre coeur bat à Wounded Knee, l’Amérique indienne de 1890 à aujourd’hui – David Treuer, ed Albin Michel collection Terre Indienne, 575 pages (dont 50 de notes et réferences) sortie le 1er Septembre 2021 Traduit de l’Anglais/américain par Michel Lederer
Ton retour est beau et fort émouvant, car je suis moi aussi très attiré par tout ce qui concerne l’histoire des Indiens. Francis Geffard me l’a envolé il y a quelques jours. J’ai hâte de le débuter. Décidément, cette collection Terres d’Amérique est si riche. 🙂
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Oh que oui. À chaque envoi : une pépite ! Là j’ai passé 5 jours dedans (heureusement que je ne bosse pas) et j’essaie de faire mon max quand j’aime un truc. Jusque ici, jamais déçue !
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envoyé.. maudit portable ^^
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J’avais compris 😉
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😉
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Quel beau retour ! Merci pour cette émotion que tu transmets 🙂
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Je te remercie ! 🌸🌸🌸🌸🌸
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C’est une somme, que dis-je, une encyclopédie de la Nation indienne que tu nous proposes de découvrir. Un ouvrage passionné qui semble être passionnant et édifiant quant au sort de ces tribus depuis leurs origines. Je connaissais « bury my heart… » de nom seulement. J’ai d’ailleurs très envie de le lire. Je pense que celui-ci peut servir de complément utile pour un regard en perspective vers le passé.
Très belle chronique Mélie.
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Ah, j’oubliais, Buffy Sainte Marie, excellent choix ! Je te conseille aussi Marie Sioux, chanteuse folk bien plus jeune, grande copine de la folkeuse Alela Diane. 😉
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J’aime bien voir cette video de Buffy Sainte-Marie, elle a 75 ans là !! Non mais tu te rends comptes un peu !!!
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Impressionnante en effet !
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Hier, enfin j’ai passé 48 heures sans pouvoir me sortir « Cho Cho Fire » de la tête. J’ai remis 30 fois la vidéo. Heureusement que je vis seule, parce que je dansais, en même temps !!
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C’était une danse du soleil j’espère 🌞
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Je ne préfère pas réfléchir à ce à quoi je ressemblais 🙄
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Bonjour Emilie,
Nous avons beaucoup à apprendre de ce peuple et d’ailleurs, il est raconté chez les Druides qu’au début des temps, les peuples du Nord seraient partis dans 2 barques différentes à la recherche de terre. L’un de ses peuples, ce sont les Amérindiens et l’autre, ce sont les Celtes, c’est à dire nous. Nous avons, dans nos très anciennes traditions, beaucoup de similitude avec eux. Je note ce livre précieusement, merci pour ce partage.
David
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Je ne m’appelle pas du tout Emilie, mais ce n’est pas grave.
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Avec toutes mes excuses
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très belle critique, qui fait écho avec celle de Frédéric ce WE…
Ce livre vient de rejoindre ma PAL je suppose qu’il vaut mieux l’acheter que l’emprunter pour pouvoir s’en imprégner 🙂
merci aussi pour la vidéo Cho Cho Fire cela donne la pêche en plus … et dire que je ne connaissais même pas Buffy Sainte-Marie…
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Ah elle est extra, Buffy Sainte Marie. Et magnifique pour son âge !
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Elle a 73 ans sur cette vidéo ! Incroyable !
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Et ça : https://youtu.be/o5zb0WTSLsY
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j’adore !!!!
73 ans c’est stupéfiant 🙂
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Comme tu dis. Je suis toujours stupéfiée
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Tanya Tagaq qui est avec elle dans cette deuxième video, est une Inuit. Elle est une des meilleures « throat singer » actuellement. C’est une tradition que j’ai connue avec le livre de Bérengère Cournut, « De pierre et d’os ». Je suis une grande curieuse, j’aime les livres qui ouvrent sur des choses à découvrir…
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