
D’abord, un mot sur l’auteur, Ocean Vuong : né en 1988 à Saïgon, il est poète, essayiste. Il est le petit-fils d’un soldat américain et d’une fermière vietnamienne, le fils d’une métisse contrainte à l’exil.
Il est transféré en 1990 avec sa famille dans un camp de réfugiés aux Philippines avant de pouvoir gagner les États-Unis, où il grandira à Hartford, Connecticut. Il obtient son B.A. en littérature anglaise du XIXe siècle au Brooklyn College de l’Université de la ville de New York, où son professeur était le poète et romancier Ben Lerner, et son M.F.A. de l’Université de New York. « Burnings » (2010), son premier recueil, figure sur la liste Over The Rainbow des livres LGBT de la American Library Association, en 2011. Il est très suivi sur les réseaux sociaux, et milite pour les droits des LGBTQ+.
Ce roman se présente comme une lettre, reprise et recommencée plusieurs fois, à sa mère. Qui ne la lira sans doute jamais. . Ce roman largement autobiographique parle de sa mère, de sa grand-mère, et de leur vie à trois dans un petit appartement de Hartford. Il écrit à sa mère en employant le « tu », qui différencie habilement l’histoire de sa mère de celle de sa grand-mère, et de sa propre histoire. Cette mère, qui ne parle que le vietnamien, qui ne sait ni lire ni écrire, mais qui fait tout pour subvenir aux besoin de sa famille, en travaillant dans un salon de pédicure/manucure de la ville. Le père ne fait pas partie du tableau. C’est tout juste si le narrateur l’évoque, en fin de roman, pour en dire juste qu’il était violent et est parti en prison.
Le narrateur s’appelle Petit Chien. Parce que les esprits ne viendront certainement pas chercher un petit garçon qui a un si affreux nom. Petit Chien apprend l’anglais à l’école, il devient alors le traducteur de ses mère et grand-mère, que ce soit pour aller faire les courses, ou pour les papiers, enfin pratiquement pour tout. Petit Chien est l’enfant adoré, protégé de ces deux femmes, qui, malgré les traumatismes de la guerre, lui servent de repère. De repaire. Lui, ce garçon rêveur, rêvant de papillons monarques, de couleurs, de la guerre, est aussi le réceptacle des histoires et des secrets de famille. Chez lui, on aime raconter des histoires. Parfois inventées, parfois sa mère lui raconte la réalité de la guerre. Ce à quoi elle et sa mère ont survécu. Des histoires violentes, tristes, qui deviennent la trame de ce qu’il est. Il est « vietnamien, déjà » lui dit sa mère, lorsqu’il va à l’école. Il faut se tenir tranquille, ne pas faire de vagues, parce qu’il est vietnamien, déjà. Ce qui sous-entend qu’il fait souvent face aux moqueries et à la violence raciste. Il parle à sa mère de ses souffrances et noeuds dans le dos lorsqu’elle rentre du travail, et des massages qu’il lui fait, aidé de sa grand-mère, pour dénouer tout ça. Il re-raconte cette mère ce qu’il sait de son enfance à elle au Vietnam, et de la violence à l’époque où sa grand-mère, à dix-sept ans, portant dans ses bras sa petite fille aux cheveux presque roux, regardait son village et sa famille partir en flammes sous le napalm. Cette grand-mère obligée de se prostituer pour survivre. Il se rappelle sa mère qui parfois se réfugiait dans un placard de l’appartement, avec un transistor jouant de la musique classique. Il l’attendait derrière la porte.
Dans cette lettre à sa mère, il lui rappelle lorsqu’il est venu la trouver pour lui dire qu’il aimait les garçons. Un, en particulier, Trevor, qui sera son premier amour et son amant pendant des années, jusqu’à ce qu’il meure d’une overdose d’héroïne et de Fentanyl. D’ailleurs dans la dernière partie du livre il dénonce avec force le matraquage publicitaire télévisé, chez les medecins et les pharmaciens que le Laboratoire Purdue Pharma fait depuis des années pour promouvoir l’OxyContin, ce médicament qui n’est que de l’héroïne en comprimés, et avec lequel les trois quarts des patients en ayant reçu la prescription deviennent accro et ne peuvent plus s’en passer. Son ami Trevor en mourra, mais lui n’ira pas plus loin.
Dans un style très personnel, d’une grande poésie même pour les plus petites choses, Ocean Vuong fait bondir ses idées à l’infini, elles rebondissent çà et là sans que le lecteur en soit pour autant perdu. Il parle de Roland Barthes, de Simone Weil, de Picasso, de Marcel Duchamp……J’ai eu un seul bémol :la deuxième partie où il raconte beaucoup trop crûment à mon goût sa liaison avec Trevor, et les actes sexuels. J’avoue que ça, ça m’a mise mal à l’aise.. Mais bon, hormis ces descriptions, ce roman fait d’Ocean Vuong un écrivain rare.
Un bref instant de splendeur – Ocean Vuong – Gallimard coll Du Monde Entier, 2020, 285 pages.
Je risque d’avoir la même réaction que toi sur la seconde partie mais toutes les chroniques lues me donnent envie de lire ce premier roman poétique.
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Oui, je viens de lire quelques critiques sur Babelio, beaucoup disent la même chose !
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Il donne très envie d’être lu ce roman, il semble magnifique.
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Il l’est ! Je crois que ce jeune écrivain va nous étonner !
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Le plus beau livre de 2021, jusque là …
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[…] club. Pascale Marchal. Les fringales littéraires. J’ai 2 mots à vous dire. Worldcinecat. Mélie et les livres. Mes pages […]
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Il est dans ma liseuse. Je le lirais c’est sûr car il doit être magnifique ce roman 🙂
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[…] qui a tenu les promesses de son titre mais d’autres ont aimé comme Mes pages versicolores, Mélie et les livres, Hop sous la couette alors faites-vous votre propre idée […]
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