
Je me rends compte, suite à cette lecture, que je n’ai jamais vu le film « Délivrance » de John Boorman, sorti en 1972. Je pensais que si… mais en fait j’avais juste en tête quelques photos du beau livre sur Boorman sorti en 1985, que m’avait offert mon futur mari (Merci Olivier). La seule chose que je savais, c’est que Charley Boorman jouait dans le film, comme dans tous les autres de son père John. Alors, lorsque j’ai lu ce livre, j’ai compris pourquoi certains m’avaient dit « On dirait Délivrance » quand j’ai publié la chronique de « Les femmes n’ont pas d’histoire », des photos et des vidéos de Mark Laïta sur les gens des Appalaches. Je comprends maintenant. Et j’ai lu sur Babelio certaines chroniques de lecteurs marqués, presque traumatisés après avoir vu le film… effectivement, ça devait être éprouvant. C’est James Dickey lui-même qui a écrit l’adaptation pour le cinéma.
Je m’y suis plongée sans à priori, donc, et j’ai beaucoup aimé. Beaucoup.
C’est l’histoire de quatre hommes, mariés avec enfants, qui décident de partir un week end en canoë descendre une rivière qui bientôt n’existera plus, car un barrage va être construit et va inonder toute la petite vallée où elle serpente actuellement. La rivière s’appelle Cahulawassee, les montagnes autour s’appellent les Appalaches, nous sommes en Géorgie (je ne fais pas exprès de lire à la suite des livres qui parlent de voies d’eau en Géorgie….). Celui qui propose le périple aux autres, c’est Lewis. C’est un homme qui est passionné par la survie, qui tire à l’arc niveau compétition, qui fait de la musculation, c’est un athlète. Même sa femme apprend la cuisine de survie, apprend-on. Il a le canoë et pas mal d’équipement. Le second, c’est Drew, l’homme à la guitare, chef d’entreprise aussi, assez intéressé à l’idée de ce petit week end pour se couper du monde du travail, de la routine. Il sait pouvoir compter sur Lewis pour la connaissance du terrain. Le troisième, c’est Bobby. C’est le plus casanier d’entre les quatre, il n’est pas très sportif ni porté sur l’exploration d’autre chose que des villes. Le dernier, le narrateur, c’est Ed. L’homme à la pipe. Il a une agence de publicité (comme l’auteur James Dickey), connait bien Lewis, l’admire même, il fait du tir à l’arc un peu pour lui ressembler, il est partant tout de suite. Il en a un peu marre de faire ce qu’il fait, et prend ce futur week-end pour une délivrance de son ennui profond.
C’est une histoire de nature, la nature dans toute sa beauté, mais aussi dans tous ses dangers. C’est une histoires d’hommes, c’est une réflexion profonde sur l’humain, ce qu’il est capable de faire pour survivre à des dangers, qu’ils viennent d’une rivière pleine de rapides meurtriers, de falaises abruptes, d’endroits où chaque moment, chaque mouvement peut vous tuer. C’est une histoire d’hommes dans leur bestialité, dans leur horreur, et une réflexion extraordinaire sur la conscience, comment chacun peut faire des choix atroces pour « ne pas avoir d’ennuis » ou pour « s’en tirer ».. on sait que tous ne reviendront pas. Et ceux qui en reviennent ne s’en sortent pas intacts, que ce soit physiquement ou moralement. La honte, le mensonge, le meurtre, les blessures, personne ne s’en tirera sans cicatrices.
Les grandes beautés de ce livre sont les magnifiques descriptions de la lumière dans cette rivière, dans l’eau et les galets, dans l’éclat de la lune la nuit, dans le grain de la falaise, et comment l’homme s’y frotte, s’y pique, s’y blesse, mais les surmonte aussi. Cette bataille de l’homme contre la nature belle mais dangereuse. C’est aussi la profondeur de l’analyse de ce que peut ressentir le narrateur en bafouant, au mépris de toute morale, tout ce qui est humain en lui-même. En redevenant un animal sauvage, sans loi, sans morale, sans remords.
(Bon, je vais commander le DVD, moi….)
Délivrance – James Dickey, editions Gallmeister 2013, collection Totem (poche) 2017, 278 pages. Traduction de Jacques Mailhos
One of the best reviews I’ve ever read!
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Thank you Barb !
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En lisant cette chronique, je m’aperçois que je n’ai jamais lu le livre ! Et cela fait bien longtemps que je n’ai pas revu le film. Double bonne idée, édité chez Gallmeister ce qui gâche rien bien au contraire. A moi le choc homme des villes et hommes des bois !
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Et moi je viens de louer le film pour 48 h à 3,99 € sur Canalsat !!!
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Princecranoir, le film je l’ai loué hier soir via Canalsat, à 3€ pour 48h, première fois que je fais ça. J’ai trouvé que ce qui « date » au premier abord ce sont les voix !Tu écoutes, tu sens que c’est un « vieux film ». Deuxio, le principe de la « nuit américaine » qui m’a gênée, tertio, les yeux constamment écarquillés de John Voight. En résumé, je trouve le livre bien plus profond et bien plus « noir » que le film.
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Vu en VF ?
L’expérience littéraire serait donc bien plus traumatisante. Je ne manquerai pas de me faire une opinion un de ces jours. Pourquoi pas cet été tiens, entre deux séances de sport en eau vive. 😉
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Oui, en VF
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Celui là je me le note. Il a tous les ingrédients que j’aime 😉
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Il est bien mieux que le film !!
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[…] En mai dernier, j’ai fait une razzia chez Gallmeister, en fait dans leur collection de poche, Totem, avec leurs couvertures si attirantes. J’ai déjà fait une chronique de Landfall (https://melieetleslivres.wordpress.com/2021/05/21/landfall-ellen-urbani/), puis une de Délivrance (https://melieetleslivres.wordpress.com/2021/06/06/delivrance-james-dickey/) […]
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Bonjour, le film est beau, bien réalisé, bien joué. Le livre est très beau, très bien écrit. Je ne suis pas étonnée que J Dickey soit un poète.
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