Ce livre m’a été offert par quelqu’un de vraiment, vraiment gentil (qualité aujourd’hui presque disparue), c’est la lecture qui l’a le plus marqué l’année dernière, et c’est un pro. Il se reconnaîtra. Un énorme merci.
Le début/résumé éditeur : « Nous n’arrêtons pas de nous raconter des histoires sur nous-mêmes. Mais nous ne pouvons maîtriser ces histoires. Les évènements de notre vie ont une signification parce que nous choisissons de leur en donner une »
Tel pourrait être le mantra de Dustin Tillman, psychologue dans la banlieue de Cleveland. Ce quadragénaire, marié et père de deux adolescents, mène une vie somme toute banale lorsqu’il apprend que son frère adoptif, Rusty, vient d’être libéré de prison. C’est sur son témoignage que, trente ans plus tôt, celui-ci a été condamné à perpétuité pour le meurtre de leurs parents et de deux proches. Maintenant que des tests ADN innocentent son frère, Dustin commence à prendre peur… et l’histoire de ces années se déroule. Son histoire. Ses souvenirs.
Alors on plonge dans l’enfance de Dustin : il a été adopté, et ses parents ont décidé d’adopter un autre garçon, lorsque Dustin a huit ans. Le nouveau « frère » de Dustin, Russell, est âgé de 14 ans. Ses parents ont péri dans un incendie.. et le petit Dustin, content d’avoir un frère, est secoué par le comportement de Russel, quasiment dès son arrivée. Loin du regard des parents, il se sent agressé dans sa propre chambre par ce nouveau frère. Et en l’observant de loin, il le voit faire des choses étranges, tuer des animaux, fumer, fouiller les affaires de ses parents, et y prendre de l’herbe, et fera fumer Dustin dans une maison abandonnée. Il semble que les parents ne prêtent aucune attention aux enfants, passant leurs soirées à fumer, boire, en compagnie d’amis ou de l’oncle et la tante de Dustin, qui sont très proches. Eux ont deux filles, des jumelles, Kate et Wave, 16 ans.
Cet été-là, en 1983, les deux couples décident de partir en caravane au parc de Yellowstone, ce qui n’emballe pas trop les jumelles. La veille, les enfants vont dormir dans la caravane, les parents à la maison. Le lendemain matin, les adultes sont retrouvés morts, tués par balles. La suite immédiate n’est pas racontée, on sait seulement que Dustin a accusé Russell. Parce que quelque temps plutôt, celui-ci, qui racontait toujours des horreurs à Dustin, lui avait proposer de « se tirer de là » facilement : il fallait juste tuer leurs parents et s’en aller à l’aventure avec leur voiture. Cette histoire avait terrorisé Dustin, encore plus lorsque Russell s’est mis à jouer avec le revolver de leur père, qu’il avait trouvé.
En 2011, Dustin apprend la libération de son frère, mais celui-ci ne bouge pas de Chicago, à son grand soulagement. Mais sans qu’il en ait eu connaissance, Russell s’est mis en contact téléphonique avec son plus jeune fils, Aaron, qui passe son temps à boire et se droguer, depuis que sa mère est décédée d’un cancer. Il ne s’est même pas inscrit à l’Université, et laisse croire à son père qu’il y est, et suit ses cours normalement. Régulièrement, dans ce récit, différents personnages deviennent les narrateurs de l’histoire : Aaron, Kate, Dustin, Wave, racontant leur présent, et leur passé. Et l’on comprend que les choses sont vues de manières très différentes selon chacun. Chacun a ses vérités ou ses illusions.
Ce roman est très noir, mais il est aussi étonnant par sa présentation : le texte est parfois sous forme de tableaux (les pensées qui s’entremêlent dans la tête de Dustin), sous forme de SMS comme sur un smartphone, les espaces entre certaines phrases, des titres écrits à l’horizontale… c’est surprenant mais tout-à-fait compréhensible, visuellement. C’est une plongée dans les secrets de chacun, dans leur fonctionnement mental, dans les histoires qu’ils se racontent.
On ne peut pas y échapper, l’auteur nous tient à sa merci, alors qu’on tente de trouver qui est coupable et de quoi, plus on avance dans le livre, plus nos propres certitudes sont balayées. C’est extrêmement bien écrit, construit, et psychologiquement profond, et ça touche nos propres émotions. On n’en sort pas indemne..
Une douce lueur de malveillance – Dan Chaon, ed. Albin Michel, collection « Terres d’Amérique », 525 pages, sortie en format poche chez Points, 2020.
Coucou
C est un livre que j’ai envie de lire depuis longtemps et ton article renforce cette envie.
Bonne journée
J’aimeAimé par 1 personne
Je ne connaissais pas du tout…. et voilà, c’est vraiment unique. Cet écrivain ne ressemble à personne d’autre, au niveau psychologie et noirceur
J’aimeAimé par 1 personne
Faut vraiment que je lui fasse une petite place dans mon énorme pal.
J’aimeJ’aime
Cela semble tortueux et sombre en effet. J’aime bien l’idée du récit à plusieurs voix façon Roshomon.
J’aimeAimé par 1 personne
C’est tortueux mais pas lent. C’est le côté psychologie de chaque narrateur qui est vraiment intéressant.. et le suspense ! Bon sang, qui a tué ces deux couples en 1983 ????
J’aimeAimé par 1 personne
je ne connais pas ce roman et comme j’aime bien ce type de récit aussi, alors je le note:-)
J’aimeAimé par 2 personnes
Repéré lors de sa sortie pour son originale construction et le thème était attractif mais la pile de livres a fait que pour l’instant il est toujours dans ma pile à lire (présent à la bibliothèque où il m’attend bien sagement) 🙂
J’aimeAimé par 1 personne