Mon nom dans le noir -Jocelyn Nicole Johnson

Voici un livre dont je dois parler. Tant il est fort, et important dans une Amérique où Trump, cet espèce de clown démoniaque en appelle aux plus bas instincts des gens -devrais-je dire des Blancs- pour se faire élire et continuer à voler et à détourner tout et n’importe quoi.

On ouvre le livre sur une arrivée en fanfare, en pleine nuit, de suprémacistes blancs, plusieurs voitures, des pick-up avec à l’arrière des hommes brandissant des torches, dans le quartier de First Street, à Charlottesville, en Virginie. Ce quartier est majoritairement noir, avec quelques Blancs qui ont aussi toujours vécu là, en bonne amitié. Les maisons sont brûlées, explosées, la petite dizaine de personnes de la rue se réfugie dans le vieux bus garé pas loin, avec le peu qu’ils ont, et pour Da’Naisha Love, le peu qu’elle ait, c’est sa grand-mère mourante, MaViolet. Sous les cris des barbares qui hurlent « ON EST CHEZ NOUS » , le bus démarre enfin, fuyant pour essayer de sauver leur vie.

Par la voix de Da’Naisha on comprend que des crises immenses ont quasiment détruit l’amérique. Des canicules, des super-feux de forêts, des innondations, des erreurs de gouvernement ont mené au « grand effondrement ». Il n’y a plus d’avions, plus d’hélicoptères, plus delectricité, plus d’ondes, plus de téléphones. Étudiante militante contre le racisme à l’Université, Da’Naisha, avec son fiancé blanc n’a pas réussi à endiguer la folie des gens qui réclament la terre comme la leur, oublieux du précédent génocide des indiens.

Le chemin mène le bus en haut de la Colline de Monticello, qui est en fait l’ancienne propriété de Thomas Jefferson, troisième Président des Etats-Unis. Cette propriété est depuis très longtemps devenue Musée touristique, il y a deux gardiens sur place, et, par chance, notre héroïne les connait. Il font entrer le bus et ses passager, puis referment les grilles. Si Da’Naisha connaît cet endroit, c’est qu’elle a accompagné il y a quelques années MaViolet pour une cérémonie, son nom est gravé désormais au titre des descendants de Thomas Jefferson et de son esclave noire, qui lui a donné des enfants. C’est ainsi. Écartelée entre deux cultures, deux races, deux couleurs, et une seule humanité.
Dans cet endroit, protégé, réservé, entretenu, la plantation, les cases des esclaves, les objets de luxe des Jefferson et leurs meubles, les habitations et quelques outils frustres des esclaves, chacun peut s’installer : il y a des cuisines, des vêtements, de quoi écrire, des bougies, des armes, de quoi vivre. Surtout qu’un des couples de First Street a emmené ses deux poules chéries.
Peu à peu, quelques personnes les rejoignent, on essaie de planter de quoi faire pousser des légumes, on a des oeufs, on protège l’entrée, les clôtures, on essaie de s’accommoder de l’un ou de l’autre…

Les personnages ont tous leur propre histoire, mais il faut en premier lieu survivre, et ce ne sont pas les moments de terreur qui manquent : il semblent surveillés. Et à un moment donné, il faudra « défendre son territoire ».

C’est un livre prenant, c’est dérangeant de penser à ce retour en arrière des préjugés raciaux, des mentalités, du retour du racisme proclamé, et à ce qui peut se passer en cas de grave crise écologique. Ce lieu, Monticello, et ses « résistants » me fait penser à « The Walking Dead » parfois, tout en étant un rappel de ce qui peut nous arriver. Et ça fait peur.

Un grand merci aux éditions Albin Michel Terres d’Amérique pour leur confiance renouvelée.

Ma note : 5 sur 5

Mon nom dans le noir – Jocelyn Nicole Johnson, Ed Albin Michel Terres d’Amérique, Janvier 2024, 215 pages

9 commentaires

  1. Cela résonne tellement avec la perspective d’un pays susceptible de retourner dans l’âge du trumpisme que sa lecture paraît anxiogène par avance. Mais sans doute très palpitante si j’en crois tes éloges. De quoi se faire peur, presque pour de vrai.

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  2. Comme je suis contente de te revoir ici ! Tes chroniques géniales et tes portraits, comme celui que tu dresses de ce Trump, me manquaient beaucoup pour ne pas dire énormément.

    C‘est sûr qu’avec un tel fou dangereux au pouvoir, le racisme a encore de beaux jours, sans compter le sort des femmes (et dire qu’il y a des femmes qui votent pour lui!! Honte à elles !) et celui de la planète (politique, écologique etc.) laisse peu d’espoir.
    Je note ce livre et te remercie .

    Aimé par 1 personne

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