La doublure – Mélissa da Costa


Ma fille , cet Astre, m’a envoyé « La Doublure » de Mélissa da Costa, parce qu’elle l’a trouvé très malaisant, et voulait mon avis. Pour moi, Mélissa Da Costa écrivait des livres « feel good ». Pas du tout mon truc.

Mais une fois le livre ouvert et commencé, j’ai mieux compris son sentiment de malaise … parce que je l’ai ressenti : je me suis sentie comme projetée dans mes romans de Muriel Cerf quand j’avais 20-22 ans.
Un ami, Marc Hazzan, m’a offert « Le diable vert » de Muriel Cerf. J’ai tellement adoré que j’ai acheté à l’époque chez un bouquiniste (je n’avais pas beaucoup d’argent, pendant ma période étudiante, et il y avait des bouquinistes partout, à Lille) donc j’ai acheté « Dramma Per Musica » et  » Une pâle beauté », « l’Antivoyage » aussi…. pas les autres, qui ne m’ont pas plu. Je les ai lus et relus et rerelus, dans le début des années 80, absolument fascinée par cette écriture flamboyante, ciselée, exigeante, ces histoires complexes de passions et de manipulations… Ces quatre livres-là m’ont suivie partout, dans tous mes déménagements. Ils sont encore là dans ma bibliothèque, mais je sais que jamais je ne les relirai. Parce que je crois que je détesterais, quarante ans plus tard. Et je m’en voudrais de casser tous mes souvenirs que je garde de cette époque.
Mélissa da Costa a écrit là un livre tout aussi malaisant. Que j’ai eu envie de poser toutes les cinq minutes dès le début, pour m’en échapper….

L’histoire : Evie est quasiment seule au monde. Vingt-trois ans, juste quittée par son petit ami, une relation épisodique car Jean était marin, et là, il part à Sao Paulo. Elle ne parle plus à ses parents, qui vivent en Alsace, elle-même est à Marseille, et elle en a assez de Marseille et de ses petits jobs. Elle veut autre chose. Elle veut devenir hôtesse sur un yacht. Là voilà qui s’en va sur le port distribuer ses CV, sans succès, lorsqu’un homme la hèle, du pont de son yacht. La quarantaine, beau, à l’aise, il lui demande si elle cherche un travail.
Prête à tout, Evie, même si elle n’a jamais fait ce genre de travail, accepte de devenir l’assistante de sa femme, une peintre qui est incapable de gérer ses mails, sa correspondance, les réseaux sociaux nécessaires pour sa mise en lumière. Même si elle n’y connait rien en peinture, elle accepte.

Pierre et Clara, l’homme d’affaires qui l’a abordée et sa femme, accueillent Evie avec chaleur dans leur maison historique qu’ils habitent, à Saint Paul de Vence. Si elle le peut ou le veut, Evie sera logée dans la petite maison toute en hauteur. Elle mangera avec eux au moins matins et soirs. Evie est transportée d’admiration devant le luxe de l’habitation, et du couple lui-même, aussi bien dans leur façon de s’habiller que dans leur naturel. Et leur amour, qu’ils ne se gênent pas d’étaler devant leur invitée.

Clara lui montre ses toiles, très noires, et lui explique qu’elle est plutôt dans le genre  » Romantisme noir ». Elle fera au fur et à mesure l’éducation d’Evie, avec de longues explications sur les thèmes chers aux peintres de ce genre particulier, elle parle de Goya, Füssli, Franz von Stük, et bien d’autres. Ce sont des cauchemars. Les références bibliques sont légion, mais en particulier Eve, Adam, Lilith.

Ce trio Eve/Adam/Lilith est très important, car dès son arrivée Evie se rend compte qu’elle ressemble incroyablement à Clara , et Pierre lui demande un soir de jouer le rôle de sa femme dans un vernissage de ses oeuvres : Clara déteste être en représentation, et d’ailleurs seules deux personnes l’ont vue. Clara la presse d’accepter, lui prépare ses tenues, celles qu’elle même porte habituellement, bijoux etc. « Pierre ne te quittera pas, ne t’en fait pas ». Et ça marche. Au fur et à mesure, Evie devient Clara, pour le public. Et non contents de l’impliquer physiquement de cette manière, dès le début ils invitent Evie sur leur yacht un soir, Clara insiste pour qu’Evie et son mari fassent l’amour, alors qu’elle sera avec un beau jeune homme, leur homme à tout faire.

Pendant tout le roman une espèce de tension sexuelle règne, en plus d’un combat entre les deux femmes pour gagner Pierre. C’est très glauque. L’amour, le libertinage, la drogue qui est proposée à Evie, les mascarades des apparitions publiques, les pièges que les deux femmes se tendent… J’ai eu du mal avec tout ça pendant plus de la moitié du livre. Puis, bizarrement, je me suis laissée emporter par ce qui devenait un combat à mort. Pour connaître la fin.

Je ne sais pas quoi dire de ce livre. C’est très particulier, très noir, glauque, plein de références sur les peintres du romantisme noir (que je ne connais pas), la musique, les repas, Baudelaire, le spleen, et en même temps une grande sensualité, du point de vue de tous les sens, par la peinture, la beauté, les parfums, le toucher, les repas exceptionnels… et au revers, la cocaïne. Je ne sais pas si j’ai aimé, mais quand même oui, je crois…

Ma note : je ne sais pas. Entre 3 et 4 sur 5, je dirais.

La doublure – Melissa Da Costa, editions Albin Michel, 2022, 570 pages.

27 commentaires

  1. Merci à ta fille et à toi pour cette chronique. Nulle envie de lire cette histoire sombre. Il y en a assez dans la vie de tous les jours.
    J’ai lu les deux premiers romans de Mélissa Da Costa et je ne dirai pas que ce sont des histoires à l’eau de rose. Dans l’un de ses romans, une femme perd son mari et sa fille (mort-née)… on l’a suivra après cette épreuve : long cheminement pour parvenir à la paix, au goût de vivre. Nous sommes quand même loin d’une histoire à l’eau de rose… oui, il y a une fin heureuse. Quant à l’autre roman (que j’ai lu), même s’il y a une histoire d’amour, nous sommes loin du roman Harlequin.

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