« J’écris des romans noirs qui posent toujours la même question : « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » Mes personnages sont des pauvres types qui vivent dans un monde brutal, mais cherchent, avec un regard poétique, des traces de douceur et de bonté. » Hervé Prudon.
Cette année, les Editions Gallimard ont décidé de relancer leur collection « La Noire » avec trois livres-étendards dont « Nadine Mouque » d’Hervé Prudon, décédé il y a peu. Ce livre a été publié en Série Noire en 1995.
C’est un bien bel et étrange ouvrage que ce livre-ci. La page de garde est imprimé de logos faits par l’auteur, et à la fin, une quinzaine de pages de dessins écrits, un genre d' »art brut ».
Ça commence comme ça :
« Lundi ça commence, lundi matin, « je finis ça fissa, dit M’man, et j’y vais », elle finit son fourbi et elle sort, « et m’attrape pas du mal », que je lui lance encore sur le seuil, et je l’entends qui croise un voyou, qui lui dit « Nadine Mouque » et M’man répond « jour mon petit », M’man s’appelle pas Nadine Mouque, mais Madame Piquette, et ça n’écorcherait pas la bouche des voyous de dire « bonjour madame Piquette, comment vont vos jambes, votre dos, votre ulcère, votre paresse intestinale » mais ici, aux Blattes, Nadine Mouque ça va pour tout le monde et toutes les religions, c’est un mot de passe pour vous gâcher le jour, vous dire la haine et l’irrespect de la personne humaine, tout le monde s’appelle Nadine Mouque. »
Le narrateur c’est Paul, quarantenaire gros et vraiment pas beau, il est revenu habiter chez sa mère dans la cité des Blattes, c’est le début des années 90, il est en fin de droits, et une seule chose le passionne, Hélène. Oui, il regarde Hélène et les garçons, Hélène c’est son fantasme. Sa mère revient de courses, fatiguée, elle s’endort sur le canapé, elle a une blessure : elle a été prise au milieu d’un rêglement de comptes devant le Franprix, et s’est pris une balle. Paul est perdu, il ne sait que faire, il pense, il pense en racontant sa vie, ce qu’il est, et décide de boire. Un max. il avait arrêté. Et il garde M’man, faut qu’il s’habitue. Il la traine jusqu’à sa chambre, elle est installée dans son lit comme si elle dormait, et Paul va se coucher dans sa chambre à lui. Bourré. La nuit même il se retrouve en pyjama dehors, il a entendu des glapissements de renard, en fait dans la grande benne à ordures, il y a une fille tombée dedans. Et elle ressemble vraiment à Hélène. Comme il la cogne en la sortant de la benne, il la ramène chez lui. Et là, il est heureux. Il la couve des yeux, il l’adore, mais un nombre incalculable de gens sonnent pour un oui pour un non, et il ne peut pas cacher longtemps cette Hélène qui dit s’appeler Wanda et qui traine à moitié à poil. Et cette rencontre, le corps de sa mère qui commence à sentir, et les hommes qui rentrent ça fait un peu beaucoup….
Avec un style inédit pour moi, l’auteur enfile les mots comme des perles sur un collier, par assonnances, dissonnances, synonymes, les mots s’entrechoquent et rebondissent avec vitalité, des phrases longues comme des pages pour décrire ses sentiments égarés, sa vie sans vie à la Cité des Blattes, la violence, les accidents, les morts, les blattes, les vraies, accumulées partout dans l’appartement, les grossièretés en veux-tu en voilà, les familles de toutes nationnalités qui cohabitent avec plus ou moins de heurts, les cris, la saleté.. la vie dans les grandes barres de cités, sans clichés, la vie d’un pauvre type déjà foutu, emmêlé dans une galère bien plus grosse que lui.
Étonnant, noir, un peu glauque. Un style inoubliable, par contre.
Nadine Mouque – Hervé Prudon, ed Gallimard coll La Noire, 175 p, mars 2019, 18€
Étrange, étrange… ce style semble vraiment à 1000 lieux de ce que l’on a l’habitude de lire !!
Envoyé de mon iPhone
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Très étrange et glauque… te connaissant toi, c’est pas ton genre !!
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