Affaires de femmes – Anne Bouillon

« Une vie à plaider pour elles », c’est le sous-titre du livre. Anne Bouillon est avocate, elle raconte comment elle en est venue à ne défendre que des femmes victimes, vivantes ou mortes (féminicide). Elle est leur voix, elle parle pour elles, qui souvent ne sont pas crues, ou même pas entendues.

En la lisant je pense immédiatement à son opposé qui écrit aussi, Randall Schwerdorffer. Qui est détestable, anti féministe et qui pense que le féminicide est de l’amour.

Anne Bouillon raconte son parcours, le fait que, plus jeune, le féminisme elle ne s’en occupait pas, tout était déjà fait, et les féministes étaient des vieilles biques s’appelant toutes Simone. Elle qui plaidait pour toutes sortes d’accusés, commence à réaliser que les plaintes pour viol sont peu traitées par la justice criminelle, cela passe non aux Assises comme cela devrait être, mais les plaintes sont largement renommées en « agressions sexuelles » qui sont des délits, non des crimes, et ça coute moins cher de passer ces procès en Correctionnelle.

Elle se rend compte que les femmes ont peur de porter plainte : toutes ses clientes disent avoir été mal reçues par la police, la gendarmerie, on les humilie, on leur demande si en fait elle avait « provoqué « le viol et autres horreurs. Les femmes battues violées et détruites qui arrivent a surmonter l’épreuve se retrouvent au tribunal presque plus accusées que leur agresseur. Il faut savoir que seulement 1% des plaintes aboutissent à une condamnation pénale (2022).

Anne Bouillon cite toutes ses sources. Après la vague #metoo, depuis 10 ans, la Justice tend l’oreille. Enfin. Il y a des sessions spéciales dans la formation des magistrats. C’est important, car depuis toujours ces femmes détruites par leur conjoint, ou ex conjoint sont considérées comme « suspectes » avant d’être victimes. La Justice est toujours patriarcale, les « forces de l’Ordre » aussi, bien qu’il y ait désormais des progrès dans l’accueil de ces femmes blessées.

En racontant les histoires de certaines femmes qu’elle a défendues, elle met en cause le fait que 18% des victimes de violences physiques ou sexuelles osent porter plainte, c’est la preuve que ces femmes se sentent non écoutées, non protégées, accusées souvent, et quand l’homme violent fait partie des forces de l’ordre, ce n’est même pas la peine.

L’avocate parle de l’argent dégagé pour la formation des représentants de la justice à l’accueil des victimes, on a besoin de milliards d’euros, ça ne suit pas. Aucune organisation pour créer des refuges pour les femmes qui viennent de porter plainte et dont la vie est menacée. Il existe quelques structures, mais seulement associatives.
Elle parle aussi de la loi. Le consentement doit y être inscrit, mais comment le signifier, l’expliquer clairement, dans les cas de viols ? Et pourquoi ce sont à 95% des femmes qui sont victimes de violences intra familiales? Le comportement des hommes est depuis toujours celui qui est le »chef de famille ». Lorsque tout dérape, c’est parce que Monsieur estime que la femme, les enfants lui appartiennent. Les féminicides arrivent extrêmement souvent au moment où l’épouse, la conjointe se sépare de l’homme, ou même quand elle ne fait que parler de le quitter. L’homme ne peut supporter de perdre « son bien ».

Anne Bouillon plaide dans ce livre pour une réforme en profondeur de la justice pour qu’elle cesse de prendre les agressions sur les femmes, les violences intrafamiliales à la légère. Elle plaide pour une remise en question de l’accueil lorsqu’une femme vient porter plainte. Et une réforme des hommes, qui doivent réaliser que la violence sur les femmes est innaceptable.

Anne Bouillon nous énonce les faits, nous donne les clés pour que notre société patriarcale se réinvente. Pour que les femmes n’aient plus peur. Pour cela le système judiciaire doit être à la hauteur. Et les hommes au rendez-vous. Pour que ça cesse.

Un livre passionnant, et nécessaire.

Ma note : 5 sur 5

Annz Bouillon – Affaires de femmes, editions L’Iconoclaste, 295 pages, Octobre 2024

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