Abondance – Jakob Guanzon

L’abondance, c’est ce que Henri n’a jamais connu. Ni Junior, son fils qui fête ses huit ans aujourd’hui. Pour une fois, il va le gâter, il a assez de monnaie pour lui offrir un repas au MacDo. Il peut. Pour une fois, son fils aura le ventre plein.
Abondance, c’est l’histoire d’un père et d’un fils qui tentent de survivre face à la précarité. 

Dans une Amérique meurtrie par le chômage et la pauvreté, Henry est sans le sou. Il vit dans sa voiture avec Junior, son fils de 8 ans, et compte chaque centime pour essayer de subvenir à leurs besoins. Comme un rappel de leur souffrance, les chapitres indiquent l’argent qu’ils ont en leur possession. Leur quotidien est fait de doutes, d’angoisses et de peurs : ” Mangeront-ils aujourd’hui ? Pourront-ils se laver ? Et si l’un d’eux tombe malade ?” Mais avec un entretien d’embauche prévu prochainement, Henri pourrait bien s’en sortir… Il doit s’en sortir ! Oscillant entre passé et présent, ce roman, raconte la difficile réalité de ceux qui ont tout perdu et d’une Amérique qui ne pardonne rien.

24 heures de la vie d’Henri et de Junior, 8 ans. Et des chapitres nommés par l’argent qu’Henri a en mains. Un chapitre sur deux, on repart au début de la vie d’Henri, fils de deux universitaires, son père, qui vient des Philippines, sa mère, américaine . Le père a décroché un job de professeur, mais il est tellement strict quant à la politesse, à l’obéissance, aux manières qu’on lui a inculquées et qu’il inculque, douloureusement à son fils Henri, ce professeur se fait renvoyer pour avoir frappé un élève difficile.
Plus de revenus, la mère qui tombe malade et meurt, et lorsqu’il a 18 ans son père meurt, lui laissant une petite assurance-vie mais une abondance de dettes. Il est expulsé de la maison, et comme partout en amérique, les expulsions se passent à toute vitesse, les objets personnels qu’on peut transporter, c’est tout. Le reste est piqué par les voisins et les arnaqueurs.

C’est la désescalade ou l’escalade dans l’extrême pauvreté. La prison pour des combines de drogues, la vie dans des « trail parks », des caravanes sans confort, et le souci de chaque jour: comment survivre, comment faire pour que Junior reste dans cette excellente école, comment prendre soin d’un enfant qu’on n’a pas connu pendant ses sept premières années, à cause de la prison, comment survivre à la disparition de sa femme, comment trouver un boulot, lorsqu’on a été éjecté de partout et qu’on finit dans un pick-up, avec son enfant et ses maigres possessions dans des sacs poubelle à l’arrière sur le plateau.
C’est un tableau très noir de la vie aux Etats-Unis des gens sans argent, sans diplomes, sans famille, sans points de chute. Pas d’aides, pas de refuge. Junior est malade, Henry se fait choper à voler de l’Advil pour la fièvre du petit, parce qu’il ne peut même pas payer la boite. Les 5 dollars qui lui restent sont pour l’essence du pick-up. Sans essence, il n’a plus de vie. Chaque jour est un combat, et parfois, il voit l’abondance. Walmart, ses hypermarchés immenses regorgeant de tout ce qui est imaginable. MacDo, l’abondance aussi. Comment vivre ?

Je ne sais que dire, tant c’est criant de vérité, dur, la relation père-fils, avec son père, et celle avec son fils. Les tourments psychologiques. La noirceur de cette vie, de ces vies. Ça m’a époustouflée. Avec un style simple et qui colle à ces vérités indicibles. C’est absolument un chef d’oeuvre.

Ma note : 5 sur 5.

Abondance – Jakob Guanzon, editions Livre de Poche, Août 2024, 405 pages

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