Fragile/s – Nicolas Martin

Petit avant-propos : J’ai mis des mois avant d’acheter ce livre. Parce que, dans ma famille étendue, il y a deux personnes atteintes du syndrome de l’X fragile. Donc ça me choquait beaucoup qu’un livre parle de ça, surtout pour une dystopie. Et je me mets à la place de ma gentille cousine, maman d’un grand garçon atteint par ce syndrôme. Voilà.

L’histoire : nous sommes dans un futur proche, d’après moi dans une trentaine d’années. Tout est connecté. Il y a des taxis autonomes, sans chauffeur. Les maisons sont connectées, tout est géré par « ALIX », à qui on peut donner des ordres genre « ouvre les fenetres », « fais couler un bain » et autres « progrès ».

On ouvre le livre, la narration est faite par une future maman : Typhaine. Elle et Gautier, son conjoint, sont en salle d’échographie et on leur dit qu’ils vont être les heureux parents d’un garçon, sain. C’est une bonne nouvelle, parce qu’il y a depuis des années une crise de la fécondité en France, en Europe aussi. Il y a de moins en moins de garçons. Il y a une délétion du gène Y. Une infertilité masculine. Dans le peu de naissances, 8 bébés sur 10 sont des filles. 3 bébés sur 5 sont atteints du syndrôme de l’X fragile, ce qui atteint le développement de l’enfant, un peu dans la sphère autistique, un gros retard de développement mental.
Typhaine a été intégrée dans un programme de PMA, surtout parce que Gautier est un haut fonctionnaire. Le régime est devenu totalitaire. La peine de mort est rétablie, l’avortement est interdit et puni de mort pour la femme coupable.
Typhaine, elle, travaille dans le réseau associatif d’assistance aux migrants et aux réfugiés. Qui, vu la démographie, sont tout de même acceptés pour fournir de la main d’oeuvre.

Mais Typhaine se sent mal dans cette grossesse hyper surveillée. Elle n’arrive pas à créer un lien avec le fils qu’elle porte dans son ventre. Par contre, pour Madeleine…. Madeleine est née douze ans plus tôt. Aimée par ses deux parents. Dès qu’elle a su qu’elle était enceinte, Typhaine l’a aimé, ce bébé. Née avec le chromosome X fragile, les premières années ont été difficiles, mais avec l’aide constante d’Aïssatou, logée à la maison, des écoles spécialisées, Typhaine arrivait à « souffler » un peu pour s’investir dans son travail, avec l’aide d’Élise, sa meilleure amie. Mais lorsque le petit garçon, Nolan, nait, Typhaine n’arrive toujours pas à créer de lien avec cet enfant. Et lorsqu’il commence à parler à l’âge de quatre mois, et qu’il semble la détester lui aussi, l’univers de Typhaine explose.

Ce livre est écrit par un journaliste scientifique. Nicolas Martin opte pour un style rapide, parlé, presque, avec une mise en page qui entremêle coupures de presse, ratures lorsque Typhaine écrit dans son carnet, par exemple.

Finalement aucune malveillance ou jugement sur le syndrome de l’X fragile, on ne parlera de Madeleine qu’avec un grand amour. La dystopie est glaçante, c’est d’une cruauté redoutable envers les femmes, et surtout l’eugénisme qui est décidé par ce gouvernement. Typhaine est une héroïne féministe, tout comme ses amies Aïssatou et Elise. Et c’est une ode à la maternité. C’est brillant, c’est prenant. Une belle réussite.

Ma note : 5 sur 5

Fragile/s – Nicolas Martin, editions Au Diable Vauvert, août 2024, 420 pages

7 commentaires

    • Je ne voulais surtout pas spoiler. Il y a tant de détails et de combats dans ce livre, de vie, d’amour et d’amitié, dans un climat de terreur politique ! Mais, entre dire que c’est vraiment bien, et tout raconter, je ne veux surtout pas trop en dire. Je crois que ma cousine n’a pas encore lu mon post… tant mieux parce que si moi, de loin j’étais choquée de la présentation genre « des monstres » où l’auteur aurait choisi un syndrome génétique au pif, finalement c’est juste Madeleine, enfant d’amour.

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