
Je continue avec mes thrillers d’auteurs français, avec celui-ci qui vient de sortir en Pocket ce mois-ci (mars 2021), publié chez Belfond en 2019. Je ne connais Karine Giebel que depuis quelques mois, j’ai lu deux livres d’elle, de bons thrillers très prenants. J’ai commandé celui-ci dès qu’il est sorti en Poche, soit il y a quinze jours, et j’ai plongé directement malgré ce titre que je trouve un peu…. un peu Harlequin. Un peu Harper Collins, dois-je dire, même, sans lire le résumé comme d’habitude, parce que lire le verso d’un bouquin soit vous spoile le truc, soit l’éditeur, pour booster les ventes, nous promet une histoire qui nous fera prendre des vessies pour des lanternes. Je préfère plonger directement et me laisser porter par l’histoire.
On ouvre le livre sur deux flics interrogés séparément par l’IGPN, alias la police des polices, alias les Boeufs-Carottes. Dans une pièce, un commandant de police, la cinquantaine, dans l’autre une jeune officier de Police, Laëtitia, 35 ans. L’ambiance est lourde, on sent bien que quelque chose de très grave s’est passé, et qu’ils sont soupçonnés. Mais il leur faut raconter l’histoire depuis le début. Et le début, c’est l’arrivée de cette jeune lieutenant de police, arrivant pour la première fois dans ce service des Stups de la ville de L. (Je déteste lorsque les auteurs font ça. Une initiale dans une fiction, pourquoi ne pas inventer un lieu ? Bref, on aura droit à L, à R, etc).
La jeune femme a passé des années à faire les études nécessaires pour être officier de Police, en reprenant ses études après son mariage et la naissance de sa fille. C’est sa vocation. Elle est à des centaines de kilomètres de sa fille et de son mari, pour ce premier poste. Elle arrive pour renforcer les effectifs de cette brigade de police, et va se présenter à Richard, commandant de la Brigade. Elle est donc pour l’instant stagiaire. Elle trouve son nouveau patron très bien, sympathique, presque charismatique, et a hâte de se mettre au travail.
Dans l’autre pièce, il y a Richard, commandant de la Brigade des Stups, qui raconte le début en même temps, mais lui a été secoué par l’arrivée de la jeune policière. En fait, à sa vue, il ressent une onde qui le parcourt violemment : lui, l’homme amoureux de sa femme Véronique depuis vingt ans, vient d’avoir un coup de foudre d’une violence rare.
A deux portes de là, Laëtitia raconte ses débuts à faire du travail de bureau uniquement, mais elle réclame plusieurs fois à participer aux opérations. Lorsque Richard accepte, Laëtitia fait capoter une arrestation de dealers : elle avait gardé son portable sur elle, et il a sonné. De retour au commissariat, le commandant se met dans une rage folle, disproportionnée à ce sujet, la remettant à l’administratif, l’humiliant devant toute la brigade. Il en rajoute un max, il lui donne un dossier ultra urgent à lui rendre en main propre, et Laëtitia, complêtement déstabilisée par la façon dont il l’a traitée, va prendre une décision qu’elle regrettera : elle va rendre le dossier en main propre, mais comme Richard est rentré chez lui, elle prend sa voiture et va ramener le dossier chez lui, à son adresse privée. Il est tard le soir, Richard lui ouvre la porte, et Laëtitia voit qu’il est seul avec son second, le capitaine de la Brigade, qu’ils sont saouls, que les bouteilles s’amoncellent, bref, elle est très mal à l’aise. Les deux hommes lui donnent des verres à boire « pour se détendre », et la violent tous les deux, l’un après l’autre. S’ensuivent des menaces, manipulations, jour après jour, même son mari ne le sait pas, elle ne peut pas le lui dire. Le commandant soufflera le chaud et le froid, la mettant régulièrement en porte à faux vis à vis du reste de la brigade, il profite de chaque moment où ils se retrouvent seuls pour l’agresser sexuellement, pour l’humilier, et lui faire peur. Et elle a peur, et cède, pour sa carrière.
Dans l’autre salle, le commandant raconte la même chose, sans se cacher, raconte tout, à une différence près : il aime Laëtitia, et il SAIT qu’elle l’aime. On sent bien qu’il est persuadé de cela, ce qui l’autorise à faire des choses insensées : la suivre constamment, placer un micro chez elle, une balise gps sous sa voiture, ne parle plus à sa femme, et invoque des « opérations » ou des réunions pour ses absences répétées le soir, la nuit, pour justifier son attitude et son agressivité. Son caractère change, il est constamment hors de lui au travail, et il profite de ses relations pour écarter le mari de Laëtitia en lui disant que sa femme a une liaison. Il est clair sur tout cela, qu’il reconnait et le récit de la montée en puissance de cette folie est raconté quasiment de la même manière, de la part de la victime et de la part de l’agresseur. Les récits s’entrecroisent. C’est une histoire saisissante, on n’arrive pas à lâcher ce thriller….Et là j’en suis à la page 420, et il est deux heures du matin, je pose le livre et je le reprends dès le lendemain.
Hier soir, donc, je reprends le bouquin, mais peu à peu c’est pour moi le malaise qui s’installe. Les enquêteurs de l’IGPN ont une attitude d’intérêt pour le côté déviant de l’histoire, et jouent limite aux psys. Le récit en double du sentiment de puissance de Richard, le sentiment de culpabilité de Laëtitia qui finit toujours par céder à son patron, l’attitude des enquêteurs, très intéressés, tourne vraiment à l’horreur, pour moi. Et le fait que l’auteure pousse le bouchon jusqu’à parler d’amour, de passion, d’amour fou, et de « bénir » le tout par les dernières pages, le twist final, me laisse stupéfaite.
Je suis scotchée. Il s’agit de viols, d’agressions, de harcèlement, sexuel et au travail, d’un viol en réunion, et ce sont des crimes. LE VIOL EST UN CRIME. Alors raconter tout ça sous couvert d’une passion, d’amour, me dégoûte soudain. Qu’en penseront des femmes qui ont été violées ? Celles qui sont ou ont été victimes de harcèlement de la part d’un homme, un patron ou un conjoint, ou même un malade mental ? On a bien vu que la jeune femme, sous l’emprise de l’alcool, ou même de la drogue avalée à son insu, ressent malgré elle des orgasmes (tout est suggéré, dans ces moments, jamais d’impudeur), ça arrive. Ça arrive lors de viols, c’est reconnu, ça ne veut pas dire qu’on a « aimé ça ». Un viol est, dans ce cas, une agression criminelle d’un homme sur une femme, et ça laisse la femme détruite. C’est une annihilation, c’est prendre cette femme pour un objet qu’on détruit pour se prouver sa propre puissance. Pensons aux jeunes hommes, à tous les hommes qui lisent ce thriller: c’est dédouaner cet acte criminel en disant que c’est l’amour, la passion.. certains pourront y croire. Comment peut-on accepter qu’une femme, auteure de nombreux thrillers toujours prenants, toujours haletants, présente cette histoire de cette façon ? C’est bien, que cet homme viole et humilie cette femme, détruise sa vie à elle parce que c’est la PASSION ? NON. Non non et non.
Je ne suis pas un « perdreau de l’année ». J’ai vécu beaucoup de choses, de toutes sortes, mais heureusement je n’ai jamais été violée. J’ai connu une passion, à 21 ans, il m’a quittée, j’ai mis des années à m’en remettre, j’y pense encore, mais il n’y a jamais eu de violence. C’est impensable. Je ne suis pas spécialement prude, mais là, le malaise est énorme. Que dire ? Effectivement, c’est très prenant. Mais les 200 dernières pages démolissent moralement ce thriller.
Je ne sais plus quoi en dire. J’ai aimé le suspense absolu, j’ai détesté la façon dont cette histoire est justifiée par l’auteure, dans les 200 dernières pages.
Ce que tu as fait de moi – Karine Giebel, Pocket Mars 2021, 642 pages
Thank you a million times for sharing this review. I hope you will post it everywhere this book is sold. I would never buy or support it, and I would be so grateful to have this issue called out before I made the mistake of purchasing such a story. As women, we must stop supporting the Beauty and the Beast myth excusing abusers because their trapped victims are emotionally compromised. I agree with you. No, no, and no.
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Thanx a lot ! You are right, but a lot of readers did not notice any problem !!!!
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Pour certaines raisons personnelles, j’ai eu très très dur à lire ce livre…
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Je te crois sur parole !!!
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Il est dans ma pal depuis un certains temps maintenant ! Je ne sais pas quand je le sortirais mais maintenant après avoir lu ton avis, il me fait un peu peur !
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Et bien! Je vais essayer de me souvenir du titre pour ne pas l’acheter celui-la!
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Craignos
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Je l’ai lu et j’ai aimé la forme mais j’ai eu moi aussi une forme de malaise sur le fond. Cela m’a fais songer au syndrome de Stockholm quand la victime croit « aimer » son bourreau..
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Bonjour, est ce que tu pourrais s’il te plait mettre les liens de téléchargement pour les livres disponibles sur internet ? S’il te plait. Merci.
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Je ne lis que des livres papier. Je les achète, pour la majorité
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