Un jour ce sera vide – Hugo Lindenberg

L’histoire : C’est un été en Normandie. Le narrateur est encore dans cet état de l’enfance où tout se vit intensément, où l’on ne sait pas très bien qui l’on est, où une invasion de fourmis équivaut à la déclaration d’une guerre qu’il faudra mener de toutes ses forces.
Un jour, il rencontre un autre garçon sur la plage, Baptiste. Se noue entre eux une amitié d’autant plus forte qu’elle se fonde sur un déséquilibre : Baptiste a des parents parfaits.

C’est avec une grande délicatesse que l’auteur raconte cet été-là. Cet enfant timide, dans l’ombre de sa grand-même adorée, il n’a qu’elle. Même s’il a un peu honte d’elle, de son accoutrement de vieille dame, de son accent yiddish. Il passe ses journées à s’ennuyer. À rêver. À relire des vieux Picsou Magazine. À faire la sieste, yeux au plafond, et chercher ce que peuvent représenter ces vieilles taches d’humidité, un avion, un visage ? Il va à la plage, souvent. Sa grand-mère s’installe aussi, sur un fauteuil pliant, sous un parasol, et lui a une natte. Il aime regarder les familles. S’il peut, il les écoute. Il rêve d’être dans ces familles. Papa, Maman, enfants, tendresse, chaleur, goûters, jeux.
Il n’ose pas aller nager, a vrai dire il ne s’amuse pas. Ce qui l’intéresse c’est de toucher un peu avec un bâton les méduses échouées sur la plage. Il a un peu peur de tout, il faut dire. Il a des terreurs d’enfants, des peurs que tous les enfants ressentent : lorsqu’il ne voit pas sa grand-mêre, mais aussi il a peur du voisin de dessus qui est malade, il n’est plus qu’un squelette et sa peau porte des taches, on dit au petit garçon qu’il a « la même maladie qu’Yves Saint Laurent ». Il a peur de perdre des choses. Il trouve le réconfort en la compagnie de sa grand-mère. Il est terrifié par la venue de sa tante, qui habite là pendant les vacances. Elle n’est pas belle, elle a de la peau fondue sur le cou, elle ne sent pas bon, il a peur, elle fume des cigarillos qui l’empestent. Lorsqu’il doit rentrer dans sa chambre pour lui dire que le repas est prêt, le garçon retient sa respiration le plus possible pour de pas avaler de cet air-là.

Un jour qu’il s’ennuie au bord de l’eau, tripatouillant une méduse avec son bâton, un autre garçon s’approche, du même âge, une dizaine d’années, et lui demande de retourner la méduse, puis « et si on la tuait? »…. ce garçon blond, aux grands yeux, a l’air joyeux. Il s’appelle Baptiste. Voulant impressionner Baptiste, il tue la méduse. En cachette, au fond de lui, il pleure d’avoir tué. Mais il est vite attiré vers la famille de Baptiste, par sa mère, surtout. Il meurt d’envie de faire partie de cette famille. Et en même temps, il a tellement honte de sa grand-mère, de sa tante-la-folle, qu’il essaie de cacher ce qu’il est : c’est à dire, pour lui-même, il ne se trouve pas beau. Il est juif. Il vit dans une villa dans laquelle plusieurs familles partagent les étages. Il n’a pas grand-chose d’intéressant. Il se sent peureux, inutile, moche, il a honte de lui et de sa famille.

Il est très sensible aux odeurs, aux parfums, aux repas, au goût des choses. Il ressent sa vie par tous ses sens. L’auteur trouve une façon d’exprimer les ressentis de ce gamin de dix ans avec une facilité et une poésie sidérantes. Lorsque le garçon dit qu’en regardant une famille sur la plage, il dit que ça lui fait « une pierre dans le ventre ». L’auteur raconte cet été par petites touches, comme une peinture, légèrement mais avec énormément d’empathie, de véracité, je me retrouve moi même dans certaines sensations, peurs, bonheurs, jalousies d’enfant.

Je n’en dis pas plus pour vous laisser le bonheur de la découverte, parce que ce livre-là est d’une justesse et d’une délicatesse peu communes.


Un jour ce sera vide – Hugo Lindenberg, Christian Bourgois editeur, 173 pages, Sortie 20 Août 2020.

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