Ce livre, dans sa forme d’objet, est très beau. Ça fait partie aussi de l’attirance qu’on aura pour choisir un livre. Jolie écriture, parfaite conception graphique, la couverture est cartonnée légèrement, et au toucher comme un papier canson épais. À l’intérieur, deux rabats assez larges, en fin de livre un cahier de photographies sur le monde Inuit, que l’auteure, Bérengère Cornut, a trouvées au Museum d’Histoire Naturelle où elle a résidé.
Sur le premier rabat de couverture, on trouve une Note Liminaire : « Les Inuit sont un peuple de chasseurs nomades se déployant dans l’Arctique depuis un millier d’années. Jusqu’à très récemment, ils n’avaient d’autres ressources à leur survie que les animaux qu’ils chassaient, les pierres laissées libres par la terre gelée, les plantes et les baies poussant au soleil de minuit. Ils partagent leur territoire immense avec nombre d’animaux plus ou moins migrateurs, mais aussi avec les esprits et les éléments. L’eau sous toutes ses formes est leur univers constant, le vent entre dans leurs oreilles et ressort de leurs gorges en souffles rauques. Pour toutes les occasions, ils ont des chants, qu’accompagne parfois le battement des tambours chamaniques. »
Tout le roman est dit par Uqsuralik, jeune fille probablement d’une quinzaine d’années, qui se réveille une nuit avec atrocement mal au ventre. Mettant ses bottes, elle sort de sa maison de neige, ainsi qu’elle nomme l’igloo fait par sa famille et elle pour la nuit. Et une fois debout, elle se rend compte que du sang tache la neige où elle se tient, ce sang vient d’elle. En même temps, la banquise grince et vibre, et une énorme crevasse se fait, séparant Uqsuralik de ses parents et frères et soeur, sortis de l’igloo avertis par le grondement. Son père a juste le temps de lui jeter un ballot, fait d’une peau d’ours et d’une veste, un harpon mais celui-ci se casse. Un énorme brouillard sort de la crevasse, effaçant tout autour d’elle. Elle se réveille avec 5 chiens, dont une la protège, pas de traineau, pas d’arme pour chasser, ou pécher, seule, dans cette nature extrême. C’est pour elle un défi que de réussir à trouver un endroit, ou de quoi manger. Pendant des jours elle marche, et rencontre des esprits, celui du Géant – et on entend la poésie et le message du Chant du Géant. À un moment donné, elle désire même mourir, parce qu’elle a si faim, et les chiens aussi. Le Géant refuse. Elle doit vivre. Elle trouve des jeunes pousses à manger, parfois les chiens lui amènent un poisson, un volatile attrapé. Elle voyage pendant des jours et des jours. Elle est presque au bout du désespoir lorsqu’elle rencontre une famille. Il semble que ce peuple adopte immédiatement les personnes qui arrivent seuls, ou presque. Elle est au moins au chaud pour les nuits, a un peu à manger car tous les hommes partent chasser tous les matins. Les femmes coupent, découpent phoques, ours, caribous, font bouillir la viande pour nourrir la famille, et les hommes cachent le restant dans des creux d’eux seuls connus. Les femmes tannent les peaux. En les mâchant, râclant la chair encore attachée, puis en les cousant pour en faire vêtements, bottes, peaux pour faire les kayaks.. elles graissent les coutures pour l’étanchéité. Les hommes sculptent des objets ou des couteaux dans les os des animaux, chassent, pêchent. Mais Uqsuralik veut, elle, se fabriquer son harpon, et aller chasser…. et réussir mieux que les hommes. Ce qui va la forcer à affronter les esprits en colère, quitte à être transformée en femme de pierre.
Traditions, Chamanisme, chants des Inuits, coutumes, habitat, les esprits et les chants racontés par les anciens et conservés par écrit, et en photos dans les musées, tout est vivant, on vit tout ça avec Uqsuralik. L’auteure nous empoigne et nous met sur la banquise, dans un monde où la Nature est omniprésente et crainte, habitée d’esprits à qui l’on doit chanter pour la remercier, ou pour lui demander de l’aide. Les famines, les morts, les vieillards, les enfantements sont racontés, chantés, et dans ce pays peu accueillant pour des humains, c’est très chaleureux, prenant, c’est sombre et puissant. C’est juste magnifique.
De pierre et d’os – Berengère Cournut, ed Le Tripode, printemps 2019, 220 pages et photos. 19€
Quel livre magnifique ! Je viens à l’instant de finir de rédiger ma chronique ! 🙂
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Il est beau, et sombre, et puissant ! J’ai toujours peur de ne pas être à la hauteur dans mes chroniques de mes coups de coeur !!
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Ta chronique est super !
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C’est juste que je ne rédige pas avant. Quand je m’y mets, je laisse couler. Et après j’ai peur…
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Ta chronique m’a donné envie de découvrir ce roman 😉
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Je le commence demain, je me régale d’avance…
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Oh tu as raison !
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Voilà une chronique qui donne envie d’acheter ce livre le plus rapidement possible! Merci Mélie
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[…] 1d Mélie et les livres De pierre et d’os – Bérengère Cournut […]
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L’un des phénomènes de la rentrée que j’ai hâte de commencer ! 😀
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Très envie de le lire surtout après avoir lu cette belle chronique 🙂
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Merci. Je l’ai offert, tellement le livre et son contenu sont beaux !
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Oh oui… un livre qui bizarrement s’est encré en moi, et je cherche du coup des livres sur les inuits.. ceux conseillés dans un article, par Bérengère Cournut herself !
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[…] Je n’aime pas trop les « bilans lecture » mais je retiens ce livre comme ma plus belle découverte 2019. Sortie à la fin de l’été pour la Rentrée littéraire, De pierre et d’os […]
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[…] beaucoup de ce livre. Après « De pierre et d’os« , livre coup de foudre, je n’ai pas entendu parler de livres d’elle avant […]
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