Sale gosse – Mathieu Palain

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C’est sans pouvoir le poser une minute que j’ai lu ce livre, le premier roman de Mathieu Palain, journaliste. Je l’avais choisi pour son résumé, et pour la maison d’édition L’Iconoclaste, qui m’avait offert, nous avait offert l’an dernier le fabuleux « La vraie vie » d’Adeline Dieudonné. Pourquoi pas deux rentrées littéraires de suite ?

On ouvre le roman en 2001, sur Marc, quarante-trois ans, éducateur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), et lui et son équipe (éducateurs, éducateurs sportifs, assistantes sociales, éducatrices aussi) doivent gérer des enfants, les protéger, en milieu ouvert. C’est à dire qu’ils ne sont pas dans un foyer, quoique Marc ait déjà été directeur de foyer, ou même éducateur sportif dans un Centre d’Éducation Surveillé (un genre de pré-prison pour mineurs). Là, il se retrouve avec des dossiers, et son équipe et lui en sont, à chaque réunion, à déplorer qu’en MO, (milieu ouvert) on ne puisse pas suivre l’enfant. On trouve une solution, deux mois après l’enfant et le dossier sont partis, mais où ? Est-ce que ça se passe bien ? Est-ce que le juge qui décidera de la suite de la vie de l’enfant suivra les demandes ou recommandation de l’Équipe?

Ce jour-là, c’est une réunion de synthèse autour du petit Wilfried, 8 mois. Les voisins se plaignent que l’enfant pleure tout le temps, que ses parents se battent constamment,  Les éducateurs ont le dossier de la mère, du père, la mère a 21 ans, elle est toxico, elle a commencé à 16 ans, et il y a des suspicions de viols dans l’enfance de cette fille. Les éducateurs vont, déjà, appeler le Conseil Général pour savoir s’il y a une place en pouponnière, vont recevoir la mère, qui trouve que tout va bien chez elle, mais.. tout est évalué, trois semaines plus tard la Juge placera Wilfried en famille d’accueil.

2015. On retrouve Wilfried, renvoyé du centre de formation de football d’Auxerre, il était pourtant promis à un grand avenir, c’est un athlète surentrainé. Mais il se bat, et dernièrement a presque tué un adversaire lors qu’un match, un jeune qui lui aurait « mal parlé ». Wilfried a tué son rêve de footballeur. Dès 10 ans il savait qu’il voulait jouer Pro. Et c’est à 11 ans qu’il a été repéré par les recruteurs d’Auxerre… et on craint pour lui : revenu dans sa famille d’accueil à Ris Orangis, après 4 ans de pensionnat à Auxerre, il ne trouve plus ses repères. 

C’est là que l’on verra tous les acteurs sociaux autour de cet ado, l’éducateur sportif depuis son enfance, Tomo, réfugié croate qui joue le « grand frère » (on ne parle pas de ce que fait le Pascal, à la télé..)…..sa mère biologique, son beau-père, ses parents d’accueil chez lesquels il vit depuis ses 8 mois, qu’il aime, et tout cet entourage qui se battra de toutes ses forces avec lui, souvent contre lui et son auto destruction, Tout ce que fait une équipe pédagogique et judiciaire, pour aider un ado de cette trempe.

Mathieu Palain est journaliste. À la fin du roman il raconte ce que son propre père disait de ses soucis, dans ce métier d’éducateur en milieu ouvert. Et l’auteur fera une demande à la PJJ et passera 6 mois en insertion dans une équipe d’éducateurs de ce genre, dans cette ville de Ris Orangis où il a toujours vécu.

J’ai vraiment adoré ce livre. Peut-être parce que je suis éduc, moi-même. Peut-être parce que ce côté inconnu de ces équipes qui savent encore tenir tête à des ados d’1m 90 me passionne. Peut-être parce que l’auteur n’a pas hésité à écrire les dialogues entre jeunes en « parler caillera ». Ou en « parler ados » tout simplement. L’histoire de Wilfried est un exemple de tous ces gamins qui se mettent à décrocher, qui son mal partis, et de tous ceux qui sont là pour les aider à trouver comment choisir leur vie… et ce n’est pas choses facile, pour tous ceux qui ne voient que la prison devant eux.

J’ai lu hier sur Babelio des critiques qui disaient « déjà vu » ou « On a vu Polisse au ciné, ça suffit ». Ceux-là ont dû lire en diagonale et sûrement pas jusqu’à la fin. Ça n’a rien à voir avec une Brigade des Mineurs à Paris.  C’est une fameuse claque, ici, qui m’a prise aux tripes. Ce livre ne juge pas. C’est pudique et à la fois ouvert sur l’autre, les autres, ces jeunes qui font parfois un peu peur. Certes, le style est san fioritures. Il pourrait s’agir d’un documentaire. Certes. Mais comment faire des envolées lyriques avec ce sujet ? Impossible. C’ est touchant, très touchant, et ce style simple et fluide laisse passer les sentiments et la réflexion, et c’est extraordinaire.

Lisez-le. C’est une plongée vers des gens qu’on n’a pas l’habitude de voir, encore moins de connaître.

Sale gosse – Mathieu Palain, ed L’Iconoclaste, 21 Août 2019, 350 pages, 18€

12 commentaires

  1. Je note dans un coin 😉
    J’ai adoré « La vraie vie » d’Adeline Dieudonné l’année dernière, et de fait, ça donne envie de se plonger plus dans les ouvrages qu’ils proposent. J’en ai vu passer un autre aussi (avec celui-ci)… mmmm tentation 😉

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