Orléans – Yann Moix

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Pour mon deuxième livre de la rentrée littéraire, j’ai choisi ce livre de Yann Moix, après l’avoir vu dimanche dernier à la télé, racontant les maltraitances subies dans son enfance, dûes à des parents violents et sadiques. Déjà, dans la présentation de la séquence interview, on le voyait en train de claquer ostensiblement un élastique à son poignet. C’est interpellant, mais était-ce fait exprès ? (Pour ceux qui ne savent pas, c’est une technique psychologique qui permet d’éviter les idées noires, claquer l’élastique permettant de refouler ces idées.) Il avait les yeux humides, limite il pleurait……

Ce Yann Moix, je ne le connais pas. Je ne suis pas fan de l’émission de Ruquier où, paraît-il, il officiait, je n’ai jamais lu de livre de Yann Moix, j’ai vu Podium à la télévision mais mon seul souvenir c’est le travelling au-dessus de Jean-Paul Rouve, déguisé en Polnareff, sur un banc de vestiaires tout en bleu, avec la chanson « Holiday » du même Polnareff.  Je ne connaissais que son nom et c’est peu. Ceci pour vous expliquer que je me suis plongée dans le livre sans parti-pris.

Le livre se présente en deux parties : 1: Dedans, 2 : Dehors,  découpées par classes de sa scolarité…..

La Maternelle. Il commence à raconter l’abandon de sa mère, un soir d’hiver, dans le noir, après l’école il a dû rentrer chez lui dans le noir tout seul sur le chemin. À 4 ans. Sa mère le déteste et le lui dit, son père lui lance des baffes.

Le CP : il adore lire son manuel de lecture (ça doit être la seule personne au monde). Sa mère l’insulte, son père le frappe.

CE1:  Il est battu par son père (avec les faits détaillés), son père l’abandonne un soir dans le noir et l’hiver dans un champ, à des kilomètres de chez lui, et sa mère ne vient le chercher que des heures après, sa prof de piano le menace de mort, sa mère aussi, mais il aime la petite Delphine qu’il est déterminé à épouser.

CE2 : Il est mis au piquet par son institutrice mais il aime ça. Il écrit un pamphlet (quelle précocité) sur le physique de son instit dans un cahier et à la vue de tous : il y a convocation des parents : sa mère lui casse un verre sur le visage, et le jette au sol pour le rouler dans les éclats de verre au sol. Son père rentre, le bat et le met dehors sur la terrasse, dans le noir, la nuit, l’hiver. Pendant 1 heure.

CM1 ( j’en ai déjà marre, moi.)  Il découvre André Gide à Auchan pendant que sa mère fait les courses. Oui vous avez bien lu, il prend, dans le rayon livres,  son 1er choix est… André Gide. Ici Yann Moix en fait des tonnes, sur tous les livres de Gide. À 9 ans, quoi……., sinon, son père le bat, cette fois avec des rallonges électriques, sa mère l’humilie parce qu’il est en retard et l’amène en pyjama avec son petit déjeuner à prendre dans sa classe, du coup il devient incontinent et a la diarrhée dans son slip et son pantalon régulièrement, il prétend que son père les lui essuie sur le visage. Mais il s’en fout, il lit André Gide, allongé sur le canapé du salon. (?!?) (donc il n’est pas terrorisé ni enfermé ni rien).

Les classes se succèdent avec toujours : son père le bat, sa mère le hait, mais il aime Aurélie Lopez et Laurence Hutin, à qui il envoie des poèmes. Tout au long du livre il envoie des poèmes aux filles qu’il va épouser. (Croit-il tout seul).

Il ajoute, au fur et à mesure des années, des auteurs au Panthéon de sa vie : ( j’arrête d’énumérer les classes) : mais d’abord son père flanque tous ses Gide à la poubelle.  Kafka, Daudet, Guitry (en 5e), pendant les vacances son père lui fait faire des devoirs de vacances, et il est enfermé dans la cave sans eau ni nourriture ni vetements de rechange ni wc mais il s’en fout il a Gide et il gide à fond.

Puis Charles Péguy, Bataille, Sartre et autres, il écrit maintes élégies, maints poèmes, pièces de théâtre qu’il juge d’une qualité sublime puisque ça lui prend du temps, tous les quatre matins il tombe amoureux et envisage le mariage avec des filles du Collège à qui il envoie des essais, des lettres enflammées, il passe des heures à faire des K7 audio montages de chansons qu’il aime (du Jazz, que du Jazz) et des textes de Charles Péguy lus par lui-même à une certaine Fabienne, et des années plus tard il est effondré, il la revoit elle n’a jamais écouté aucune des 20 K7. Ses parents détruisent ses cahiers, ses écrits, se moquent de lui en les lisant en public avec des amis,  invitent des amis avec leur fille qui est en classe avec lui, en 4e, et lui mettent à table une assiette de caca et montrent les slips souillés de leur fils aux invités, le battent etc.

Et il continue a parler de ses auteurs, les seuls à compter, pour lui, et les filles, toujours platoniquement, et les tannées de son père, et ses magnifiques écrits.

Dans la partie 2, il recommence tout depuis la maternelle, (mais pourquoi ???) mais là il ne se retient plus dans le style dix-neuvième siècle, avec le passé simple, l’imparfait du subjonctif, même des tournures de phrases que je n’ai pas lues depuis Françoise d’Aubigné, veuve Scarron, épouse morganatique de Louis XIV : « mêmement », par exemple. Il ne dit jamais « pas » en formule négative : il écrit « point ». Il veut être un auteur sublime comme Gide. Il dit vouloir, je cite : » écrire un Ulysse de Joyce, un parpaing littéraire incandescent à la limite de la lisibilité », lorsqu’il parle de Joyce il dit de lui qu’il est, je cite :« Son prédécesseur et collègue irlandais » ( j’avais déjà subi des tonnes de considérations sur le fait qu’il se sent « gidesque » oui oui, à l’égal d’André Gide).. 

En fait ce type, Yann Moix, a désespérément essayé de refaire un « Poil de Carotte », un « Graine d’Ortie », voire un Vipère au Poing, mais s’il se pense gidesque, l’auteur est loin d’être à la hauteur, avec ce style grandiloquent qu’il emploie pour décrire son enfance, à notre époque. Hervé Bazin, que j’ai relu entièrement il y a juste un an, avait du talent, même si le personnage n’était pas sympathique, vers la fin de sa vie. Mais il ne se démode pas, intemporel, Folcoche est loin de sortir des mémoires.

En fait, Y. Moix n’est pas un bon écrivain, parce qu’il est pompeux, qu’il n’est pas crédible, parce qu’il est persuadé de son propre talent, il me semble boursouflé de lui-même. Hier, lorsque j’ai terminé le livre, il m’a semblé que si je n’avais pas vu l’interview, j’aurais très bien pu l’imaginer comme ces personnages de Sempé, ces petits hommes un peu chauves, avec leur gros ventre, bouffis d’une importance qu’ils n’ont pas. 

 

Orléans – Yann Moix, ed Grasset 21 Août 2019, 262 pages, 19€

31 commentaires

  1. Bonjour Mélie, tu écris bien.

    Ta critique au vitriol ne va sûrement pas lui faire plaisir, mais en même temps tu es assez intègre et lectrice pour que j’y attache foi. Je ne lirais donc pas livre.

    Jouer dans la cour du misérabilisme et de l’intellectualisation comme le fait , à priori ce Monsieur, ne présente pas grand intérêt à yeux.

    La literature actuelle est assez riche pour se passer de ce type d’écrit. Merci donc de me l’épargner.

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  2. Belle chronique. J’avais bien l’impression de m’emmerder à tes côtés (pas de ta chronique, hein! mais par rapport au livre 😉

    J’avais lu Podium à sa sortie, et puis Panthéon (et je me suis emmerdée. Il y avait un troisième, que je n’ai finalement jamais ouvert).
    Je crois que je déteste ce type. De fait, il a l’air complètement imbu de lui-même. Et même si c’est un « jeu télévisuel », une manière de « faire le buzz », son style et son attitude chez Ruquier était juste horripilante. (Emission que j’ai arrêté de regarder depuis des milliers d’années tellement c’était devenu chiant, et juste agressif).
    Il essaie peut-être de se racheter une « image » suite à ses derniers éclats…
    Je le trouve complètement inintéressant, et ses livres ne m’attirent pas du tout.

    Ta chronique était beaucoup plus intéressante, et j’imagine plus gai à lire! héhé

    Wais tu déclasses sont livre, mais bon, faut arrêter de servir de la soupe à la merde (oups je m’emballe) sous prétexte de « grande littérature » etc…
    😉

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  3. Je vous trouve très apre et haineuse dans cet article. Je ne l’ai pas lu encore en entier. J’ai aimé Rompre. Et je fais la part entre l’homme et son écrit. On aime pas le livre on dit j’aime pas cette histoire. On n’assassine pas son auteur de caracteristiques diffamatoires ! Du peu que j’ai lu d’Orléans et de vos articles en effet cela n’aurait pas pu coller…

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    • J’allais justement te parler de cette lettre ouverte, mais tu es déjà au courant.
      On a tous le droit de ne pas aimer un livre et de dire ce qu’on en pense. Tu as raison, je trouve que tu le fais avec intelligence. Si j’avais eu envie de lire ce livre et que l’avais aimé, je ne me serai pas sentie vexée en lisant ta chronique.
      Bises,
      Maeve

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      • Merci ! Ça me rassure, je pense avoir argumenté… enfin bon, je me demande ce que ça va donner sur les ventes de ce livre, et sur le regard que les lecteurs avaient sur l’auteur : tous les livres où il parle de son enfance malheureuse sont d’un coup discrédités. J’en lis de partout, la comédie qu’il a jouée dans « 7 à 8 » l’aura perdu.

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  4. Je n’ai jamais rien lu de ce type, jamais eu envie compte tenu de sa posture médiatique égocentrique, méchante et sexiste. Même si il avait eu des qualités littéraires, ce que manifestement il n’a pas, je ne trouve pas bien d’encourager ce gens de personne, c’est un homme méchant tout simplement. Le temps de lecture de chacun est limité je préfère l’utiliser à des livres et des autrices et auteurs qui m’apportent quelque chose.

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      • Je n’aime pas l’homme, je connais peu l’écrivain (essai avec Naissances et abandon). Parcontre, c’est vrai que je me méfie toujours des réactions de l’entourage lorsque quelqu’un homme ( ou une femme )dénonce des violentes subies enfant.. pour moi, il est évident que la famille ne va pas acquiescer. Ça la fout mal que des secrets de famille soient étalés au grand jour. A mon sens, Moix a une violence et une méchanceté intrinsèque qui ne viennent pas de nulle part. Alors je lis les 2 versants de l’histoire, la lettre ouverte de son frère et je me demande où est la vérité….

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  5. Son regard dit sans possibilité de tromper l’imposteur qu’il est
    Pouah, un personnage digne de ce qu’on fait aujourd’hui de l’admiration, bel exemple d’une société de déchets qui prêche le tri mais se garde bien de l’appliquer.
    Merci Mélie, c’est bien de mettre son talent objectif au service de la critique.

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