Enquête sur La Famille, une mystérieuse communauté religieuse – Etienne Jacob

J’ai ce livre depuis Octobre, et voilà que je tombe sur un « Grand Format », documentaire diffusé sur une chaine d’info en continu (pas la meilleure, mais la plus suivie). Je me suis dit que c’était le moment de terminer ce livre et d’en parler. L’auteur est journaliste au Figaro, le reportage télévisé est, lui, basé sur une enquête faite par d’autres journalistes, et moins fouillée que ce livre. Etienne Jacob travaille avec la Miniluves, (Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires) et le CAFFES (Centre national d’Accompagnement Familial Face à l’Emprise Sectaire). Gage de sérieux s’il en est.


Résumé éditeur : Voilà trois siècles que « La Famille » , une étrange communauté religieuse, vit au coeur de Paris dans le plus grand secret. Ses quelque 4 000 membres, issus de huit patronymes différents, se marient uniquement entre eux depuis plusieurs générations. Coupés du monde, ces fondamentalistes chrétiens, descendants de jansénistes convulsionnaires sectaires, cultivent un mysticisme d’un autre temps, entre rites datés et interdits rigoristes. 
Dans une France en quête d’identité, ce modèle d’ultraconservatisme, prônant la pauvreté, la solidarité et les valeurs familiales, aurait de quoi séduire. Mais cet entre-soi, où la consanguinité fait loi, a aussi brisé quelques vies sans que les autorités ne soient alertées par les victimes, sous le joug de l’omerta. Dans cette micro-société, dont les adeptes admettent avoir « 50 ans de retard » , l’avenir des plus jeunes est bien souvent bridé, les femmes réduites au rôle de mères et d’épouses silencieuses. 
Etienne Jacob, qui a rencontré ces « Mormons de Paris » , nous livre une enquête fascinante et fouillée. Journaliste au Figaro, Etienne Jacob traite régulièrement des dérives sectaires.

Je suis atterrée par l’existence des sectes. Celles qui s’étalent en toute liberté aux Etats-Unis, comme les Mormons, alias « Church of The Latter Days Saints » ; les Témoins de Jéhovah, et toutes les autres, toutes les dérives qui sont tolérées, avec pour but caché : l’argent et le pouvoir. Tout ça au nom du Christ, bien sûr, partout les religions ou les sectes dites chrétiennes sont libres d’asservir femmes, hommes, enfants et de les maintenir dans une dépendance totale. il y a des gourous, et les adeptes font du prosélytisme constamment.

Ici, dans cette communauté, les choses sont bien plus bizarres, et tellement secrètes que personne ne les voit. ils sont en plein Paris. Aucun prosélytisme, c’est tout le contraire. Dans le 12e, 19e et 20e arrondissement. On recence environ 4 000 personnes, membres de cette communauté. Certains habitent à la lisière de Paris, pour avoir un logement plus spacieux. Car une des règles de cette communauté, c’est d’avoir le plus d’enfants possible. On relève des familles avec de huit à quinze enfants. Et c’est normal. Ils attendent la venue du nouveau Messie, car ils sont les élus. Nous, dans le monde « civil », privé, professionnel, religieux etc, nous sommes « les gentils ». Un mot gentil qui recouvre des tas d’épithètes comme « damnés » par exemple. Cette communauté est repliée sur elle-même, depuis plus d’un siècle. Car de Jansénistes Convulsionnaires (qui entrent en transes), ils sont passés à pire. de nouvelles rêgles ont été dictées par l »Oncle Auguste en 1892. Qui n’aimait pas du tout la « gentillerie ».

Cette communauté a vécu dans le plus grand secret jusqu’ici : avant 2020 pas un seul média n’a été intéressé par cette secte.
Les rêgles de l’oncle Auguste, écrites et gardées soigneusement par les descendants des familles fondatrices, sont strictes, secrètes, et ancrent les membres de ces familles dans le passé. Par exemple, ne pas mettre un pied dans une église. La Famille est chrétienne fondamentaliste. Les femmes ne travaillent pas, elles s’occupent des enfants. À la rigueur elles peuvent faire des travaux de couture. L’avortement est interdit, aussi bien que la contraception. Elles doivent porter des jupes longues, et les cheveux détachés. Ce sont elles qui prêchent dans leur famille, d’après la Bible, pour éduquer les enfants. Les enfants, depuis quelques années, peuvent aller à l’école publique. Mais pas tous. Les hommes font des études courtes, car personne ne doit se montrer plus haut que les autres. ils sont ouvriers d’usine, pour la plupart.

Mais une des rêgles les plus dures et les plus secrètes, c’est qu’on doit se marier obligatoirement dans la famille. avec un cousin. Ce qui engendre au bout de plusieurs décennies, des problêmes sur les enfants, avec la consanguinité : beaucoup d’entre eux sont handicapés, le syndrôme de Bloom, peu connu, est pratiquement inconnu hors de la Famille. Il y a énormément de bébés morts-nés, trop malformés. Mais tout ça reste dans le secret. Mais ces secrets ont commencé à se savoir, depuis 2020, sans doute par la parole d’anciens membres de la famille, rejetés totalement par toute la communauté, parents, frëres et soeurs y compris, parce qu’ils sont tombés amoureux de quelqu’un hors de la famille, ou parce qu’ils sont homosexuels. C’est le démon. Et la Famille, c’est la famille. Tous les gens, des 3000 ou 4000 personnes, ont comme patronyme soit Sandoz, ou Maître, ou Fert, ou Sanglier, ou Havet, Thibout, Déchelette, Pulin. Il n’y a que ces noms-là dans la famille. On ne fait pas de prosélytisme, on n’en parle pas, on n’y fait pas référence, pourtant le système est puissant. L’entraîde est une valeur essentielle, sans celà certaines familles ne pourraient pas vivre décemment. Les veuves avec enfants ne peuvent pas se remarier. D’ailleurs il n’y a oas de vrai mariage. Ni à la Mairie, ni à l’Église. et, oh, j’oubliais : il est interdit de porter du rouge et du blanc… Et le grand souci est l’alcool. Les fêtes constantes dans un lieu en banlieue, ayant appartenu à l’Oncle Auguste, les fêtes privées dans les immeubles, où l’on chante des cantiques à pleins poumons, et où l’alcool coule à flots, et pas seulement pour les adultes. Et les maltraitances, et agressions sexuelles sur les enfants sont connues des adeptes, mais gardées secrètes. C’est comme ça.

L’auteur a rencontré des membres, des descendants de la Famille qu’ils ont quittée, de gré ou de force, pour diverses raisons, et d’autres, toujours dans la Famille, témoignant anonymement. Etienne Jacob a fait un travail d’historien en remontant aux racines, puis un travail d’enquêteur social Je n’ai ici fait qu’aborder certaines règles qui régissent cette secte religieuse, mais le livre est bien plus complet, parlant des communautés dissidentes, une en 1960 qui n’a pas fonctionné, une à Malrevers, 80 membres de la Famille s’y sont installés et suivent le mode de vie d’un kibboutz. Emprise, consanguinité, règles antisociales, impossibilité pour les enfants de sortir, que ce soit pour un anniversaire, ou une classe verte. Le silence autour des maltraitances relevées par un médecin, et ils font très peu appel à eux, ou par une institutrice, tout cela est caché. C’est l’omerta. Et maintenant que le voile se lève, qu’on commence à savoir, la question inévitable va être : comment vont-ils réagir ?

Enquête sur La Famille, une mystérieuse communauté religieuse – Etienne Jacob, editions du Rocher, oct 2021, 220 pages

22 commentaires

  1. je ne connaissais pas cette secte!
    les sectes de tous bords me font peur, on connaît les dérives et leurs théories ultra-bornées…
    Le phénomène semble s’être accentué pendant les confinements…
    Ce livre me fait peur mais je le note quand même 🙂

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  2. quelque part ce livres et ses révélations peuvent faire peur. On se rend compte qu’il me nous faudrait pas grand chose pour tomber dans les pièges d’une secte ou être totalement sous l’emprise d’un groupe. Même si celle-ci est totalement tournée sur elle-même, on se dit tout de que notre société a du mourant à se faire !
    Dire que je rencontre sans doute chaque jour des membres de cette famille dans ma bibliothèque.

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