Ce qu’il faut de nuit – Laurent Petitmangin


C’est l’histoire d’un père qui élève seul ses deux fils.
Seul, car lorsqu’on commence l’histoire, la « moman » vient de mourir, après trois ans de lutte contre le cancer. Non, pas de lutte, en fait. Cet homme nous raconte une période de sa vie de père, presque en chuchotant, en disant tout bas ce qu’il aimerait hurler. Il en veut à « la moman » de n’avoir jamais eu l’air de se battre. De s’être laissée glisser jusqu’à la fin, en le laissant seul avec les garçons : Frédéric, alias Fus, et Gillou. Fus, parce qu’on est en Moselle, près de l’allemagne et du Luxembourg
, et que le foot, ils aiment.
Après avoir subi avec les garçons les allers retours du Dimanche pour la visite à l’hôpital, pendant trois ans, après le décès de sa femme, il plonge. Plus rien ne va, mais il tient à garder son poste de cheminot, à continuer à aller à la section de la CGT où il ne vient presque plus personne, à « tracter » pour le PS.
Il fait attention aussi, pour les garçons. Il va au foot avec eux, les regarde jouer, leur fait à manger, discute avec eux. Il veut tout bien faire pour ses garçons. Mais c’est la sixième-cinquième-quatrième, pour Fus, ses notes en classe chutent, il se met à sécher les cours, à trainer avec des gars qui ne lui plaisent pas beaucoup, au père. Et il est obligé de faire des études en lycée technique, alors qu’il voyait ses fils ingénieurs. Parce que la vie, dans ces villages de Moselle qui se vident, n’a pas grand-chose à offrir en termes d’avenir, pour ses garçons. Et si Fus doit rester là pour aller en apprentissage, le père se charge d’intéresser le deuxième, Gillou, à de grandes études, comme Jérémy, un jeune de la « section » qui va rentrer à Sciences-Po Paris, ou à l’Ena. Jérémy aide Gillou à y parvenir, à tout faire pour y arriver. Par contre, avec l’ainé, il y a un choc. Le père le voit portant une écharpe avec des symboles de l’extrême-droite. On lui rapporte qu’on l’a vu dans des groupes de ce genre. Le père est tellement choqué qu’il ne lui parle plus. Tout s’écroule, cet homme passe par toutes sortes de sentiments, il aime ses deux fils, les frères s’aiment, mais il y a cette fracture, avec Fus, qui va emmener ce père sur des chemins qu’il ne connait pas, et ça devient dramatique.
Ce père brisé, blessé, même dans ses valeurs les plus profondes, va pourtant, par amour, soutenir Fus dans ce qu’il vivra de pire.
Un livre émouvant, prenant, elliptique parfois, dans lequel on comprend ce qu’il faut de patience et d’amour pour ce père qui se raconte, pour faire grandir ses fils dans le bon chemin, même si l’un chute. Un très beau livre.

Ce qu’il faut de nuit – Laurent Petitmangin, ed. La manufacture de livres, 188 pages, 16,90€. Sortie 20 Août 2020

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